mardi 14 mai 2013

boutonnier / delabranche _ paroles


je suis curieux ces mots distants qui ne disent rien _ pourquoi ?

rien à personne rien face à ce qu'on met dedans distants de soi même et des autres distants comme nécessaires pour ne pas être en dedans

dois-je comprendre quelque chose comme creuser un écart, "ne pas être dedans" : écrire pour ne pas coller à, plus que pour communiquer ?

écrire pour se découvrir être écrire pour effleurer celui qui écrire sans finir se laissant de côté écrire pour taire ne plus jamais crier
ce serait comme fuir de ces phrases sans majuscule ni point toujours fuir laissant ouvert l'horizon des mots cet horizon plus que lointain
ce serait comme se mettre à distance se préserver chercher en soi communiquer certainement pas juste partager peut-être et seulement parfois

oui je comprends. écrire partage : non pas un qui lit un qui écrit, mais deux (ou plus) qui regardent ailleurs ensemble...

écrire à se taire comme se soûler de_soi écrire pour passer de l'autre côté de_soi écrire et dire ce qu'on ne sait pas de_soi

lire écrire : expérience qui ouvre défait déballe désembobine creuse déstabilise... parfois oui ouvre sur un lien, une rencontre
quelques bribes d'on-ne-sait-trop-quoi qui s'effilochent en se nouant... et ça parle et nous fabrique un peu... et tout est à recommencer.
soi écrire : sans doute retourner sa propre peau et constater le vide dont nos os sont l'écho. soi écrire oui : briser ce masque qui ne cache.

écrire pour dire se dire et écrire pour découvrir ce qui au fond de soi est aussi à un autre qu'à soi sans le savoir juste le deviner

rien, cette aurore qui s'essore sur rien, écrire pour cela, ce jour vide en nous qui regarde dans nos yeux et s'étonne des espaces devant.

ce masque qui ne cache pour l'autre que soi tant à écrire mieux on se voit

écrire oui ce vide qui nous lie tous à chacun, c'est le fonds commun, la terreur, le trésor, écrire vers cet élan, ce passage, cet expir.

oui s'ouvrir espace immense se découvrir autant ne pas en revenir y rester même survivant _les mots distants de tant de soi qu'on perd pied
mais comment ne pas finir quand la voie est tracée alors partir laisser de côté oublier pour finir et recommencer _je voudrais ne jamais
savoir comment faire me perdre à chercher avançant sans douter et prêt à parler me taire me terrer enfoui dans les mots silence gardé

se voit sans netteté sans contour sans rien que l'ordre d'un nom barbelé, doux, ruisselant

ces mots distants qui ne disent rien

la trace oui comment la perdre à chaque fois, renouveler la désorientation propice au visage à nouveau, à sa parole en morceaux, ce vent
ces mots qui désignent l'ouverture de rien

ces mots qui nous perdent plus que moins

ces mots nos pores en orbites

mots perdus

qui gravitent

silence du mot

qui clôture

si lent le mal à clore

à l'orée muselle à vif le seuil béant

et la voix et les heurts de monter à sang

je n'ai rien abandonné qui ne soit pas béant feuilles mots néant simple échancrure simple cri simple pliure simplement dit

on fatigue on prétend on exige on dément on répète on insiste on perd on persiste regarde comment ils font ils disparaissent profond

mais rien ne le dit que nos mains ici

nos yeux creusent l'oubli tremblé sous la voix du fond

on édifie l'orbite poudreuse le relais que fuit l'orage chaque veine oui nos mains ici dé-ploient sous le tranchant de l'invite : le sang feu

on joue on gît parmi

et puis jamais l'ombre dans l'embrasure ne cède

on écoute se lasser l'incessant en soi paupières neige aveugle joie - il y a - dure et puis l'incise barbelée défait le vif on insiste

on s'étend on patiente on pause on reprend

on revient déjà de tant

lentement

c'est la lumière qui change les heures et seulement _le corps plie le cou tombe la main tire à terre la pierre et le lit

tu vois je disais laisse filer les mots distants ceux qui s'échappent et te fuient ceux qui perlent chaque instant de ta bouche néant

laisse filer

et entends

comme on mord l'errance ensevelie dans les hauts du vent

respire l'ascension_creuser la poudre motrice et ta voix si lasse après l'air déchiré_ laisse l'inconsolé filer la trame

tu vois c'est simple

ta main pense pour toi

chevillé sous l'aura des patiences attends ce laps débordé

vois l'astre et le lait dans l'asthme de ton pas

mon ami ne me feule au néant voisé mon ami joue blanc qu'on respire

ce n'est pas tant un trou où tomber qu'un fossé le pas chancelant la tête trop haut levée se perdant_

ce n'est pas vaciller mais s'écrouler lourdement tomber de son long ailes déployées ventre rond et rouler infiniment_

ce n'est pas se voiler vraiment_

c'est perdre pied perdre tant faillir s'effacer effleurant le temps oublier l'idée finir le chant pousser l'air laisser fuir tu comprends

c'est reprendre souffle seulement

je comprends c'est perdre oui qu'ondulent les paupières à même l'incertitude

c'est mon ami pleurer l'herbe ravagée d'innocence

ce n'est pas nouer nos veines autour de l'eau non c'est respirer la crue du sang-joie vers l'irrémédiable

je voudrais me noyer dans le blanc perdre haleine me jeter à l'eau étirer le temps

je voudrais peindre la ville de gris prendre le sang des hommes tirer la toile étendre les bras au vent

je voudrais lancer des pierres des fenêtres creuser la terre de cratères plier le sol ouvrir d'autres champs

je voudrais les faire disparaître un à un eux et tout ce qu'ils portent à chaque main

je voudrais effacer leur visage tendre au lisse au blanc jeter à terre ce qui les dresse tant

je voudrais un temps encore rêver un monde autrement

ces mots distants qui ne disent rien  


(échange in progress entre julien boutonnier et moi-même_ publié avec son accord_ 2013)

vendredi 3 mai 2013

partout


18:45 fdf 1er mai

j'ai marché une heure environ descendant des hauteurs de fort-de-france où on m'avait déposé pour rejoindre l'hôtel respirant l'air chaud et humide de cette fin de journée c'était une belle balade quartiers riche d'abord puis moins puis pauvre avant de me laisser attraper par le damier du centre-ville délaissé de tous boutiques fermées en ce premier mai habitants cloîtrés chez eux logements étroits trois niveaux trois familles à mettre la télé fenêtres ouvertes enfants parfois jouant sur le balcon et si on rentrait par la fenêtre et il enjambe l'allège et disparaît son frère trop petit pour le suivre rentrant lui faire la tête 

il y a ici quelque chose de passionnant de troublant de révoltant qui fait naître ce sentiment confus de vouloir aider œuvrer faire et qui en même temps raison retrouvée dicte de laisser comme c'est

au fond des vallées au bord des plages dans la forêt isolée les maisons tombent en ruines mais des ruines habitées voitures anciennes autour disséminées attendant que le végétal les digère aidé des hommes qui dessus récupèrent ce qui à d'autres manque des voitures comme les ruines d'une époque révolue et les maisons de s'affaisser dans les cours d'eau qui après les pluies se font torrents balayant tout puissamment et les vagues rognant la chair mettant à jour de fins os de béton que le sel de la mer gonfle gorge fer à vif que le sang de manquer alors qu'au-dessus la maison déjà de tomber et l'humidité partout la même que la forêt tropicale concentre retient diffuse maisons noires écroulées partout oui la même odeur de pauvreté de gens vivant de la pêche que l'on mange ou des fleurs volées tentant de les vendre qui ne met dans leur poche que de quoi acheter à l'épicerie du village volets ouverts sur un dédale de rayonnages et où l'on vend de tout gaz bière fruits et conserves et si tu es près de l'église les cierges pour une vie meilleure que le stricte nécessaire que tu pourras ranger comme tes quelques pièces de monnaie dans ta poche après

partout des gens sous les abris devant les maisons les boutiques partout des jeunes hommes à parler boire fumer quoi d'autre à faire et les filles et les femmes de grossir ne mangeant que le moins cher le sucré quand on pense que les fruits de pays sont ici plus chers qu'en métropole reste les brioches les boissons aromatisées et les burgers qu'on peut se payer

je suis descendu au bistrot rez-de-chaussée de l'hôtel des grilles là où on imagine des vitres et l'air que la pluie a rafraîchi pénètre jusqu'à moi à l'intérieur assis partout ça parle créole mots d'anglais de français et d'afrique m'a-t-on dit sorte de langage phonétique où chaque simplification semble faire écho au langage texto 

gcri

je n'ai pas mangé hier soir peut-être ne mangerai non plus ce soir l'air ne s'y prête pas qui trop lourd trop d'eau en-dedans air liquide perlant

j'ai gardé sur la peau avant-bras cou visage les couleurs du soleil brûlant des caraïbes et regrette de n'avoir pu mettre qu'un bras au dehors de l'habitacle de la clio ou de ne pas avoir conduit l'alternance aurait équilibré l'écrevisse et il y en avait partout avant ici