mardi 14 mai 2013

boutonnier / delabranche _ paroles


je suis curieux ces mots distants qui ne disent rien _ pourquoi ?

rien à personne rien face à ce qu'on met dedans distants de soi même et des autres distants comme nécessaires pour ne pas être en dedans

dois-je comprendre quelque chose comme creuser un écart, "ne pas être dedans" : écrire pour ne pas coller à, plus que pour communiquer ?

écrire pour se découvrir être écrire pour effleurer celui qui écrire sans finir se laissant de côté écrire pour taire ne plus jamais crier
ce serait comme fuir de ces phrases sans majuscule ni point toujours fuir laissant ouvert l'horizon des mots cet horizon plus que lointain
ce serait comme se mettre à distance se préserver chercher en soi communiquer certainement pas juste partager peut-être et seulement parfois

oui je comprends. écrire partage : non pas un qui lit un qui écrit, mais deux (ou plus) qui regardent ailleurs ensemble...

écrire à se taire comme se soûler de_soi écrire pour passer de l'autre côté de_soi écrire et dire ce qu'on ne sait pas de_soi

lire écrire : expérience qui ouvre défait déballe désembobine creuse déstabilise... parfois oui ouvre sur un lien, une rencontre
quelques bribes d'on-ne-sait-trop-quoi qui s'effilochent en se nouant... et ça parle et nous fabrique un peu... et tout est à recommencer.
soi écrire : sans doute retourner sa propre peau et constater le vide dont nos os sont l'écho. soi écrire oui : briser ce masque qui ne cache.

écrire pour dire se dire et écrire pour découvrir ce qui au fond de soi est aussi à un autre qu'à soi sans le savoir juste le deviner

rien, cette aurore qui s'essore sur rien, écrire pour cela, ce jour vide en nous qui regarde dans nos yeux et s'étonne des espaces devant.

ce masque qui ne cache pour l'autre que soi tant à écrire mieux on se voit

écrire oui ce vide qui nous lie tous à chacun, c'est le fonds commun, la terreur, le trésor, écrire vers cet élan, ce passage, cet expir.

oui s'ouvrir espace immense se découvrir autant ne pas en revenir y rester même survivant _les mots distants de tant de soi qu'on perd pied
mais comment ne pas finir quand la voie est tracée alors partir laisser de côté oublier pour finir et recommencer _je voudrais ne jamais
savoir comment faire me perdre à chercher avançant sans douter et prêt à parler me taire me terrer enfoui dans les mots silence gardé

se voit sans netteté sans contour sans rien que l'ordre d'un nom barbelé, doux, ruisselant

ces mots distants qui ne disent rien

la trace oui comment la perdre à chaque fois, renouveler la désorientation propice au visage à nouveau, à sa parole en morceaux, ce vent
ces mots qui désignent l'ouverture de rien

ces mots qui nous perdent plus que moins

ces mots nos pores en orbites

mots perdus

qui gravitent

silence du mot

qui clôture

si lent le mal à clore

à l'orée muselle à vif le seuil béant

et la voix et les heurts de monter à sang

je n'ai rien abandonné qui ne soit pas béant feuilles mots néant simple échancrure simple cri simple pliure simplement dit

on fatigue on prétend on exige on dément on répète on insiste on perd on persiste regarde comment ils font ils disparaissent profond

mais rien ne le dit que nos mains ici

nos yeux creusent l'oubli tremblé sous la voix du fond

on édifie l'orbite poudreuse le relais que fuit l'orage chaque veine oui nos mains ici dé-ploient sous le tranchant de l'invite : le sang feu

on joue on gît parmi

et puis jamais l'ombre dans l'embrasure ne cède

on écoute se lasser l'incessant en soi paupières neige aveugle joie - il y a - dure et puis l'incise barbelée défait le vif on insiste

on s'étend on patiente on pause on reprend

on revient déjà de tant

lentement

c'est la lumière qui change les heures et seulement _le corps plie le cou tombe la main tire à terre la pierre et le lit

tu vois je disais laisse filer les mots distants ceux qui s'échappent et te fuient ceux qui perlent chaque instant de ta bouche néant

laisse filer

et entends

comme on mord l'errance ensevelie dans les hauts du vent

respire l'ascension_creuser la poudre motrice et ta voix si lasse après l'air déchiré_ laisse l'inconsolé filer la trame

tu vois c'est simple

ta main pense pour toi

chevillé sous l'aura des patiences attends ce laps débordé

vois l'astre et le lait dans l'asthme de ton pas

mon ami ne me feule au néant voisé mon ami joue blanc qu'on respire

ce n'est pas tant un trou où tomber qu'un fossé le pas chancelant la tête trop haut levée se perdant_

ce n'est pas vaciller mais s'écrouler lourdement tomber de son long ailes déployées ventre rond et rouler infiniment_

ce n'est pas se voiler vraiment_

c'est perdre pied perdre tant faillir s'effacer effleurant le temps oublier l'idée finir le chant pousser l'air laisser fuir tu comprends

c'est reprendre souffle seulement

je comprends c'est perdre oui qu'ondulent les paupières à même l'incertitude

c'est mon ami pleurer l'herbe ravagée d'innocence

ce n'est pas nouer nos veines autour de l'eau non c'est respirer la crue du sang-joie vers l'irrémédiable

je voudrais me noyer dans le blanc perdre haleine me jeter à l'eau étirer le temps

je voudrais peindre la ville de gris prendre le sang des hommes tirer la toile étendre les bras au vent

je voudrais lancer des pierres des fenêtres creuser la terre de cratères plier le sol ouvrir d'autres champs

je voudrais les faire disparaître un à un eux et tout ce qu'ils portent à chaque main

je voudrais effacer leur visage tendre au lisse au blanc jeter à terre ce qui les dresse tant

je voudrais un temps encore rêver un monde autrement

ces mots distants qui ne disent rien  


(échange in progress entre julien boutonnier et moi-même_ publié avec son accord_ 2013)

vendredi 3 mai 2013

partout


18:45 fdf 1er mai

j'ai marché une heure environ descendant des hauteurs de fort-de-france où on m'avait déposé pour rejoindre l'hôtel respirant l'air chaud et humide de cette fin de journée c'était une belle balade quartiers riche d'abord puis moins puis pauvre avant de me laisser attraper par le damier du centre-ville délaissé de tous boutiques fermées en ce premier mai habitants cloîtrés chez eux logements étroits trois niveaux trois familles à mettre la télé fenêtres ouvertes enfants parfois jouant sur le balcon et si on rentrait par la fenêtre et il enjambe l'allège et disparaît son frère trop petit pour le suivre rentrant lui faire la tête 

il y a ici quelque chose de passionnant de troublant de révoltant qui fait naître ce sentiment confus de vouloir aider œuvrer faire et qui en même temps raison retrouvée dicte de laisser comme c'est

au fond des vallées au bord des plages dans la forêt isolée les maisons tombent en ruines mais des ruines habitées voitures anciennes autour disséminées attendant que le végétal les digère aidé des hommes qui dessus récupèrent ce qui à d'autres manque des voitures comme les ruines d'une époque révolue et les maisons de s'affaisser dans les cours d'eau qui après les pluies se font torrents balayant tout puissamment et les vagues rognant la chair mettant à jour de fins os de béton que le sel de la mer gonfle gorge fer à vif que le sang de manquer alors qu'au-dessus la maison déjà de tomber et l'humidité partout la même que la forêt tropicale concentre retient diffuse maisons noires écroulées partout oui la même odeur de pauvreté de gens vivant de la pêche que l'on mange ou des fleurs volées tentant de les vendre qui ne met dans leur poche que de quoi acheter à l'épicerie du village volets ouverts sur un dédale de rayonnages et où l'on vend de tout gaz bière fruits et conserves et si tu es près de l'église les cierges pour une vie meilleure que le stricte nécessaire que tu pourras ranger comme tes quelques pièces de monnaie dans ta poche après

partout des gens sous les abris devant les maisons les boutiques partout des jeunes hommes à parler boire fumer quoi d'autre à faire et les filles et les femmes de grossir ne mangeant que le moins cher le sucré quand on pense que les fruits de pays sont ici plus chers qu'en métropole reste les brioches les boissons aromatisées et les burgers qu'on peut se payer

je suis descendu au bistrot rez-de-chaussée de l'hôtel des grilles là où on imagine des vitres et l'air que la pluie a rafraîchi pénètre jusqu'à moi à l'intérieur assis partout ça parle créole mots d'anglais de français et d'afrique m'a-t-on dit sorte de langage phonétique où chaque simplification semble faire écho au langage texto 

gcri

je n'ai pas mangé hier soir peut-être ne mangerai non plus ce soir l'air ne s'y prête pas qui trop lourd trop d'eau en-dedans air liquide perlant

j'ai gardé sur la peau avant-bras cou visage les couleurs du soleil brûlant des caraïbes et regrette de n'avoir pu mettre qu'un bras au dehors de l'habitacle de la clio ou de ne pas avoir conduit l'alternance aurait équilibré l'écrevisse et il y en avait partout avant ici 

mardi 23 avril 2013

on ne sait où


III
il y avait cette pendule ce matin qui sonnait les heures et qui continue encore il y avait cette pendule au carillon particulier entendu durant mes vingt premières années chaque heure passée à ses côtés pendule de bronze aux trois femmes drapées seins nus qui avant sur un buffet et aujourd'hui à terre il y avait cette pendule entendue des années après des centaines de kilomètres plus loin moi qui pensais que les choses n'existaient que dans les lieux où en nous elles étaient nées
elle sonne la demie
et il y a ces heures que jamais on n'oublie seulement on les met de côté comme ces choses qui ont servi et qui ne servent plus jamais
et il y a en soi tant qui revient sans nostalgie sans amertume sans larme aucune juste l'égrainage du temps qui rythme et dissipe
elle sonne encore
et il y a ce qu'on oublie ne voit plus ni n'entend les cris d'enfants les heures caché sous les draps les lumières au plafond que les persiennes strient 
et il y a les corps des morts ces êtres présents près de soi comme de soi les prolongements qui n'ont pas attendu qu'on est l'âge de pleurer pour s'évanouir s'effacer s'en aller
et il y a le silence qu'on garde comme le plus grand présent voix intérieure que l'on suit et entend encore celle du secret émanant de ce temps
elle reprend


II
marcher dans une ville connue c'est toujours revenir sur soi-même ses traces ses histoires les savoir proches prêtes à surgir ici et là non par surprise juste comme attendues et de changer d'itinéraire n'y fait rien qui convoque ce qui provoque ce changement l'assoie le pose comme évidence et la ville de ne plus être que ce montage d'histoires vécues rues pour témoins comme si aux façades avaient été inscrits nos plaintes joies et tourments appels téléphoniques passés voix encore résonnantes entre les pierres roses ricochant sur les bétons reflets des vitres ensoleillées photographies prises rangées on ne sait où si ce n'est en soi claires et nettes comme un 4 par 6 affiché à chaque carrefour éclairé la nuit et qu'on renouvellera à chaque clignement des yeux et toutes ces pensées notées dans des carnets autant de page à se souvenir comme nos pas foulant l'asphalte gris de la ville 
aujourd'hui me sont revenues plusieurs histoires à la fois n'en fabriquant plus qu'une que des années pourtant séparaient et que tout opposait comme si dans ces pages tournées la matière du présent se trouvait révélée et même se trouvait à son aise histoires de luttes mots échangés histoires de doutes larmes tirées histoires de fuites ne fait-on que cela depuis toujours fuir et fuir encore peut-être oui
enfant amant mari amant encore fuite en avant


I
(venir ici à strasbourg en son centre me transporte dans le temps sans pourtant faire ressurgir un quelconque passé dans cet aujourd'hui éclairé et c'est bien l'ambiguité de ces sentiments enfouis souvenirs fuyants dont les traces sont des lignes tirées directions uniques qui jamais ne fabriquent le présent juste à son arrière restées traine de tulle évanescente voile blanc brume que le vent dissipe tout autant et ce ne sont pas les rues ni les boutiques aperçues de loin arrivant mais plutôt ce que la ville donne vraiment son échelle son bruit sa couleur son air ses alignements on dirait un lieu unique comme l'est le havre quoi qu'en disent ceux que la ville n'intéresse pas ou qui simplement ne la connaissent pas la comparant à toute autre reconstruite et inversement et c'est ici une force impressionnante que de se sentir là là où l'on est vraiment tant les villes disparaissent derrière ce qui les rend toutes semblables non au travers des places des rues étroites des jardins des mairies et écoles des églises mais qui se reflètent toutes dans leurs boutiques mille fois répétées identiques aux enseignes qui ne nous apprennent plus rien sur le lieu et son histoire simple contemporanéité façade de carton jetable et déjà tant recyclée 
la ville prend ce qu'elle ne donne pas mais offre entre ses pierres taillées ses brasseries rideaux tirées ses rues animées une sensation de suffisance et d'autonomie que je suis venu chercher il y a quelques années me mettant à l'abri des cris du bruit que faisait ma vie me mettant à l'écart de moi-même me posant de côté et là allongé arrêtant d'écrire je reprenais la lecture cherchant dans les mots des autres l'aide que personne ne voulait plus me donner main tendue mainte fois perdue seul pour une fois qui ne recherchais que la compagnie de l'autre le regard et la voix alors reprendre vie 

samedi 30 mars 2013

barcelone



on avait quitté l'avion marché longtemps dans des couloirs vitrés au tain fumé on avait monté puis descendu des escaliers les mains glissant sur les rampes comme le monorail prend son électricité on avait filé au plus court coupant les routes traçant en diagonales des parcours inconnus à tous qui suivaient de la foule le mouvement régulier
on avait emprunté cette passerelle jetant notre regard vers la ville encore lointaine qui menait de nulle part à nulle part juste de survoler les pieds sur terre des voies réservées aux cars on avait entendu avant d'écouter le roulement des valises sur le sol pvc couvert de pastilles noir il l'avait noté et un rythme de s'instaurer à nos pas même à nos mots
on avait passé les portes vitrées s'effaçant devant soi d'un simple ticket de carton dans une fente glissé on avait parcouru le quai au sol de carreaux rouges rainurés on avait entendu encore la musique des valises tirées mais cette fois on ne l'écoutait plus le paysage s'était ouvert étendu




on avait pris l'avion pour venir là après avoir pris le rer et aussi le train on avait pris plaisir à se rencontrer de nouveau se serrer la main se parler sans se connaître sans se dévisager on avait pris le temps d'ouvrir entre nous un monde commun on savait qu'il existait juste le temps de l'énoncer on avait pris patience en attendant debout dans la file d'attente l'embarquement échangeant à propos de rien à propos de tout construisant ce troisième être qui serait nous
on avait eu en commun la voiture pour parcourir les routes tendre des mains entamer des dialogues présenter nos desseins et aussi nos échecs des kilomètres pour rien on avait dormi dans des hôtels défraîchis des hôtels chaînes aux coursives et toits débordants et au restaurant fermé depuis longtemps quand la voiture se garait devant on avait aimé ces trajets ces heures à penser ces notes prises ces disques mis fort à jouer 
on avait chacun à notre manière vécu des heures claires en haut des montagnes respiré l'air des vallées embrumées on avait écouté le cheval laissé passer la vague on avait tout en nous gardé comme notre plus grand secret on avait rien de commun avec les autres on avait dans le creux de nos mains quelque chose de l'autre 




on avait regardé ce paysage comme ne le comprenant pas un vent de silence le figeant depuis longtemps on avait regardé devant soi puis au loin multitude de limites que rien ne rendait franchissables on avait nommé le grillage la route le rail de béton et cet autre grillage on avait compté les verticales celles des poteaux celles des mâts de lampadaire celles courbées en haut celles perdues dans le ciel on avait dit que fait cet arbre ici et cet arbuste au pied tordu qui l'enlace on avait dit on dirait le mexique les gens à l'entour qui parlaient y étaient pour quelque chose sûrement on avait dit on se croirait au mexique qui n'y étions jamais allés le vide la poussière la lumière la plaine étendue de voitures et le sol vierge avant les montagnes les grillages des grillages et ces arbres couleur pierre
on avait eu cette idée que de l'autre côté c'était nous qui étions nous derrière les fils de métal torsadés nous derrière les barbelés la route comme un tour de garde la route impossible à prendre à passer et perpendiculaire au regard alors que nous on se perdait à l'horizon 
on avait des envies d'évasion




on avait aimé ce moment ce lieu ce temps chaque chose ainsi fichée dans le sol ou juste posée temporairement on avait vu au gré d'une clairière dans le ciel gris de fer apparaître sur la terre des ombres étirées s'évaporant presque et les lignes blanches du parking que la lumière révélait stop en majuscules on avait lu fran lloron vas a morir comme l'ombre d'un homme pleurant sur le corps d'un autre mourant on avait attendu que le train vienne qui annoncé ne pouvait tarder maintenant
on avait apprécié ce moment ce lieu ce temps comme si une fois passé on avait dû faire demi-tour rentrer voyage fini et ça nous a effleuré de repartir faire volte-face vol retour ne gardant de la ville que ce qu'elle offre aux premiers regards regards lointains et même si de la ville on ne voyait rien vraiment on avait hésité incertains cigarette à la main 
on avait pensé que rien ne devait être pris pour banal que tout valait pareillement on avait pensé à celui qui pour créer une relation spontanée à l'œuvre lit écoute parcourt celle d'un autre immenses tous deux l'œuvre et l'autre on avait pensé qu'ici commençait le voyage vraiment 
on avait dit être prêts la ville avec des yeux neufs on la verrait comme la nuit renouvelle le jour




on n'avait que peu de temps devant nous mais qui peut affirmer en avoir beaucoup on avait peu de temps que le train entrant en gare allait écourter encore lorsqu'un homme ombre noire le regard baissé téléphone en main apparu mettant en mouvement la scène figée décor désormais pour un seul homme mouvement là où avant il n'y en avait aucun 
on avait essayé de lui parler criant même faisant d'amples gestes comme si ailés rien n'y faisait ne parvenant à modifier ses pas rythmés sa marche régulière son avancée lui comme derrière un mur de verre isolé éloigné on avait parlé mais à ses oreilles était restés muets mots réservés mots secrets monde clos et le train arrivant ralentissant freinant finissant par s'arrêter qui déjà de lui nous écartait
on avait fait mine alors de l'oublier ombre sur son corps les portes de la rame s'ouvrant on montait avait pris place face à face comme pour du regard sur le paysage qu'on allait traverser avoir à deux un horizon complet on avait senti le train vibrer puis partir qui déjà rattrapait l'homme en noir le dépassant qui marchait du même pas lent et régulier sur cette route qu'on survolait maintenant dans une boucle un soulèvement
on avait eu le temps de le voir de face les yeux perdus à la surface de l'écran noir résumé du monde univers portatif et communiquant on avait voulu de nouveau faire signe lui souriant seulement maintenant qui nous voyait regards se croisant lui ralentissant le pas le train accélérant déjà on se perdait




on avait à peine découvert ce qui de soi ne pouvait au premier regard se voir on commençait à peine à se parler alors comment faire de soi l'économie nos mots se mêlant formant des phrases qu'on n'avait à peine encore prononcées et le paysage de défiler les champs les arbres les voies et au loin comme une nappe blanche en relief zone d'activités annonçant plus loin encore finissant dans le ciel les montagnes que plus tard on allait longer
on avait à peine commencé à se dire à peine à voyager et les choses du territoire ici aussi de se mêler formant au-delà d'elles-mêmes un autre paysage qui restera effleuré caressé du regard comme on entend sans écouter la mémoire imprimée impression relief que la lumière en soi fait vibrer
on avait posé près de nous nos sacs sorti nos appareils photo et un guide hâtivement acheté le premier vu sur la table du libraire veille de départ se préparer sans avoir l'air et on avait déplié le plan sectorisé de la ville tramée et de dire le besoin d'une carte globale pour se repérer pointant ici et là tournant les pages les endroits à visiter comprenez où on avait rendez-vous où on devait aller
on avait en commun cette idée de ne rien rater de ce qui ici devait nous arriver on avait en commun de découvrir la ville en se projetant en avant sans plan sans vue sans but sans idée préconçue
on avait en commun l'idée que la ville serait où que l'on soit en elle autour de nous       




on avait rejoint d'autres voies fin de boucle venant mourir sur une ligne droite tirée depuis le sud du pays et comme l'accompagnant un portique de béton faisait cadres successifs tableaux glissant horizon se déplaçant latéralement on avait rejoint d'autres voies et ralenti laissant prendre de l'avance à un autre convoi qui nous ouvrait la route maintenant vers la ville au bruit montant
on avait chacun nos téléphones à la main qui pour organiser son forfait à l'étranger qui pour garder traces de ce paysage filant que le béton couleur sable révélait ciel devenu uniformément blanc on avait dans nos mains ce qui nous unissait indéniablement cet objet parfait et désormais aussi courant que l'avait été le travail il y a longtemps et quelqu'en soit l'usage qu'on en faisait il devenait unique de soi un prolongement
on avait sous les yeux les larmes de la ville un étirement le périurbain remontant vers une source qui nous inonderait on le savait en était conscient




on avait pris de la vitesse après l'élan et traversait une banlieue jetée au hasard au milieu des champs parcelles isolées que l'on construit comme si la ville demain allait jusqu'ici s'approcher on avait vu lentement l'horizon disparaître la bâti prenant des formes variées que rien ne liait comme des montagnes l'arrête on avait perdu du paysage l'unité que seul tentaient de préserver les équipements ferroviaires régulièrement placées
on avait perdu nos repères
on avait parlé de ces chemins de fer qui entraient dans les villes comme on cible d'un corps le cœur on avait parlé de ce paysage autour se dessinant peu à peu se densifiant la ville naissant qui bientôt quand en sous-sol on serait deviendrait pleine et à nos yeux absente n'en sentant plus que l'écho dans les tunnels du métro
on avait comment faire autrement parlé de cette ville souterraine les gens s'y déplaçant comme si double elle était maintenant en surface en tunnels on les avait regardés assis ou debout à parler téléphoner tapant hâtivement des mots abrégés sur des claviers/écrans qui les liaient à d'autres sur terre peut-être on avait observé et comparé avec ce que l'on connaissait mêmes situations mêmes postures mêmes regards et la langue de n'y rien changer pourtant il avait dit qu'ici peut-être il ne pourrait faire ce que d'habitude il faisait puis s'était repris un blanc marche arrière le monde partout pareil juste prendre le temps d'y trouver ses repères




on avait devant nous la ville qui se construisait peu à peu pièce après pièce pierre par pierre les rideaux aux loggias les antennes aux balcons les volets aux fenêtres des histoires derrière mais personne qui ne se montrait ville de banlieue cillant à peine à nos yeux
on avait parlé des façades écrans entre soi et eux des plaques de béton préfabriquées comme des enfants les jeux juste des vies à assembler des tours à construire à refaire et à se voir soi miniature dedans à vivre mille histoires mille silences rideau
on avait devant nous ce qui ne faisait ni la richesse de la ville elle-même ni celle de ceux qui ici habitaient seulement ceux qu'on éloigne qu'on disperse qu'on écarte qu'on efface qu'on délaisse 
on avait reparlé de ces arrivées lentes ces découvertes patientes tant de fois pratiquées involontairement nos trains se rapprochant des centres et toujours finissant dans le sous-sol des villes on avait reparlé de ce monde chaque fois disparaissant la distance s'amoindrissant la ville toujours lointaine la ville comme un mirage un effacement
on avait regardé le monde qui se dessinait au travers de nos fenêtres un monde furtif et fugitif
on avait regardé la ville comme une valeur de fiction de la banlieue une dissimulation




on avait dressé l'inventaire comme dans un cahier des villes ainsi à se plier descendant vers la mer descendant vers un fleuve une plaine un creux de terre on avait parlé des murs des escaliers des rampes et routes sinueuses on avait dit combien on avait aimé pénétrer ainsi les villes étagées se donnant à voir comme en contreplongée plans successifs mouvements différés le train animant les scènes se jouant des tableaux 
on avait à peine l'air étonné d'être là parlant comme si le monde partout le même ce qu'en nous on croyait car qu'importent le toit la forme du train la couleur de la pierre qu'importent les noms les voix les accents clairs qu'importent la couleur des ciels la chaleur de l'air l'homme partout le même à ne plus savoir quoi faire à tendre la main pour prendre ou attendant juste de celui qui a pris qu'il rende
on avait en train fait un second voyage échangeant en mots en regards comme des vagues ressac incessant ressassées infiniment sa voix la mienne couvrant nos entendus se retirant on avait tant dit déjà que les heures futures se dessinaient non comme un dupliqua mais un regard doublement puissant
on avait refermé les cartes les sacs on avait réglé les forfaits les points de chutes les premières heures on avait défini où on irait sortant de là refaisant surface quand dans le sol le train se ficherait on avait remis les vestes quittant des yeux les fenêtres assis face à face on avait attendu notre heure




on avait parlé du métro comme si simplement en pénétrant le sol notre train en était devenu un qui filait maintenant dans l'obscurité des tunnels creusés sous la ville la ville elle-même la ville plus encore que celle de surface une ville contemporaine sans l'histoire juste celle des noms stations arrêts ponctuant le parcours faisant lien avec des guerres des rois des rues des gloires du dessus de la terre on avait autour de nous fait le noir
on avait cette impression de soustraction à la ville tant d'années à avoir appris celle mathématique alors qu'en tous lieux aujourd'hui elle existe qui n'est plus un concept juste un effacement une disparition la ville suspendue au-dessus de nos têtes telle une épée une lame un couperet la ville tendue et immense toile trame grille nappe que rien ne saura plus limiter ville touristique ville cartes postales ville figée pour la mémoire commerciale des comptes rentiers
on avait allumé la rame mis le jour dans la nuit ouvert des brèches baissé les armes et la ville du dessus  de disparaître plus un bruit on avait repensé à l'avion descente entamé voix étouffées refermé sur soi-même le monde en dedans du bruit juste le blanc silence abstrait et là la ville de jouer le jeu roulements rythmes sonneries portes paroles noyées au fond sous terre la ville aux murs résumée 
on avait les yeux rivés sur l'écran indiquant les stations s'y reprenant à deux pour vérifier qu'on n'avait pas manqué l'arrêt le regard comme replié sur ce monde intérieur tentant de deviner sans le vouloir vraiment qui nous faisaient face qui étaient ces gens compagnons de voyage d'un instant leur imaginant mille vies et où ils allaient d'où ils venaient quelle serait leur voie maintenant que le métro s'arrêtait 




on avait voyagé seul chacun à un bout de la carlingue ralentir ralentir le mouvement on avait commencé puis arrêté de se découvrir un temps on avait gardé nos distances ce sourire comme seule politesse on allait se lancer maintenant
on avait détourné le regard passé notre chemin quitté des yeux les autres oublié les tunnels parlant déjà de tant on avait détourné la tête et voilà le monde qui s'éclairait un émerveillement broderie dorée en bordure du temps on avait détourné notre attention quand mille lumières nous tiraient d'un sommeil profond comme on nous aurait pris par l'épaule debout maintenant
on avait dans un geste commun sorti l'appareil pointé au hasard et déclenché intempestivement figeant sur la pellicule de verre de nos écrans des points de lumière qu'on ne comprenait plus maintenant




on avait attendu l'arrêt du train en gare station gloriès pour se lever 
on avait gravi des escaliers 
on avait passé des portes vitrées et choisi au hasard tel couloir menant à telle sortie comment savoir laissant la ville souterraine ici
on avait parlé de ces voyages parisiens métros ou bus assis à parcourir les rues les tunnels déambulations sans but 
on avait parlé de ces trajets juste pour observer s'observer jouet soi-même d'un monde à la mécanique huilée 
rotations infinies
infinies




on avait décidé à deux et contre tant de construire sur la ville un toit reflet du dedans un pli de métal feuille d'or et des rues ne plus voir que l'envers ciel à terre et des hommes les chevelures qui enfin nous souriaient monde meilleur assurément
on avait décidé d'un simple regard échangé de couvrir la ville entière de son image inversée tentant de rendre le vrai de rétablir un équilibre disparu depuis longtemps on avait bien construit sous terre alors dans le ciel maintenant
on avait dressé des palissades monté des grues travaillé le fer serré l'acier contre l'acier des poutres qui sous les feuilles ambrées disparaîtraient comme un squelette dont on est peu fier
on avait cherché des ouvriers on n'était que deux comment autrement faire et en avait trouvé funambules terrassiers soudeurs grutiers polisseurs miroitiers
on avait monté comme s'élèvent les arbres des poteaux de fer qui soutiendraient sans le montrer le toit aux mille reflets
on avait décidé des financiers à nous suivre vital était notre projet l'avenir de la ville en dépendait il fallait y aller nous aider 
on avait des idées
et qu'importe du lieu l'histoire
et qu'importe ce qu'on ensevelissait qu'aucun reflet ne pourrait plus montrer
qu'importe même les hommes au passé effacé
la ville grâce à nous avançait 




on avait laissé dernière nous les routes soulevées voitures invisibles que le bruit aérien trahissait comme ces avions trop hauts dans le ciel que la vapeur d'eau désigne à grands traits 
on avait laissé les tours colorées vulgaires quand allumées scintillant de milles facettes comme une salle de jeux désertées dans un casino de la côte été passé
et les toits aux reflets façon papier aluminium froissé que le souffle du vent maintenait à bonne distance du sol apesanteur contrariée
on avait laissé les chemins fléchés les programmes planifiés notre regard voyager
on avait laissé la ville nous prendre et nous de l'effleurer 

on avait marché longeant les ilots réguliers que des rues taillées d'un coup de lame délimitaient mieux que les façades comme on fait de la cour prisonnier le tour d'un pas régulier parce que surveillés liberté plus que conditionnelle
on avait marché marché d'un pas lent sous les arcades le long des parcs au nord de la gare entre les tables dressées restaurants fermés terrasses désertées

on avait à peine levé les yeux c'était le sol qu'on regardait peintures empreintes marques fragments la ville se dessinant au travers d'un vocabulaire minimal résumé au nécessaire que du moindre regard tous on comprend
on avait à peine levé les yeux se limitant au plan imaginaire que les feux tricolores peints de jaune faisaient dans le ciel comme ces points numérotés jeux d'enfants sur une feuille que de la main on relie révélant une réalité clairsemée émiettée perceptible maintenant

à fleur d'elle on avait été




tu vois j'avais dit c'est ça pour moi l'architecture une simple trame verticale facettes en écailles comme si de la ville tout était résumé dans une façade pliée la hauteur des ilots la répétition des étages et les fenêtres droites comme des hommes levés
tu vois j'avais dit personne ne regarde ici qui tous se perdent dans ce qu'on leur montre leur vend leur fait aimer ce qui frise ce qui sculpte ce qui colonne et portique tu vois celui-là il ondule dans la ville danse dans les rues un mouvement continu un voile aux mille bleus comme différents sont les hommes
tournant autour on avait découvert du vide la matière et du creux la lumière on avait découvert de la ville un secret il y en avait d'autres on arrivait seulement

je parlais seul depuis déjà longtemps qui était parti faire de l'immeuble le tour regardant chaque détail chaque entrée chaque signe et de les photographier comme on dresse l'inventaire fouilles en cours de pièces trouvées époque lointaine et mises à jour valant dès lors à ses yeux bien plus qu'on ne l'enseigne

sur la ville et en secret le voile se levait et le vent n'y pouvait rien qui était resté dans la plaine




on avait voulu se noyer dans la ville se fondre en elle laissant nos sacs à l'hôtel marchant regard distrait comme si d'ici on était ici on vivait ne rien prendre avec surprise n'y trop d'intérêt juste passer discrètement être passants on avait voulu qui tous les trois mètres dégainait pour tout ce qu'on voyait nos instamatic dernier cri sur les riverains marée humaine sur les devantures usées de boutiques que personne d'autre ne semblait voir ni regarder sur les carrefours tachetés de jaune comme sur les murs affichés on avait voulu faire taire notre différence qui semblait tant nous imprégner de la ville qu'en elle seuls on était les autres ailleurs autre monde vraiment 
                                                                         et la ville ici dans ces rues marchandes où on avait rendez-vous foule d'hommes allant indifféremment droit devant elle de nous rattraper quartier centré et la main de perdre prise le corps pied la ville de s'échapper le sable de filer entre nos doigts et de se dire pour la première fois qu'aveugles ici on était

on avait voulu se noyer dans ville qui nous rejetait maintenant sur la grève corps de côté reprenant souffle avant de se relever repartir s'échapper même fuyant dans le sous-sol obscur et anonyme de la ville-tunnel on avait repris pied marchant comme on fraie chemin tranchant dans l'inerte banquise qui sinon vous retient paralyse on avait fui pour se sauver et l'air de nouveau de nous irriguer poumons gonflés heureux de reprendre vie

sur la ville on avait gagné




on avait fini par arriver n'en avait jamais douté une impasse quelques marches à l'une des extrémités un passage couvert à peine perçu sorte de porte sur une pile posée
on avait fini par arriver malades nauséeux fragile que cette jeunesse perdue épuisés heureux de pousser la massive porte de bois du café qui n'en était pas
on avait fini par la retrouver elle qui nous avait invités là fumant une cigarette au milieu d'amis fumant aussi on avait échangé quelques mots puis rentrés avait parlé de ce qui se passerait salle remplie lui et moi à présenter nos textes publiés en français 
on avait pris un verre comme si avait été le premier liant chaque instant un peu plus cette nouvelle amitié dans une suite de souvenirs futurs que je ne pourrai oublier
aux murs de la salle des œuvres accrochées une loupe proche comme pour zoomer
au plafond métor show le monde à facettes qui reflète
de la poésie lue et jouée et on avait fait un pas vers la table préparée trois chaises elle qui introduirait et traduirait et nous côte-côte comme un duo devenus inséparables depuis cinq heures qu'on se connaissait
on avait fini par se lancer dévoilant un peu de nous même au travers de mots qui en espagnol prenaient sens 
ils comprenaient




on avait fini par se séparer se saluer se dire à demain et seul nuit tombée j'étais reparti pour une autre traversée ville endormie remontant du jour le cours comme si la nuit en était l'envers comme si une fois venue se déclenchait un compte à rebours qui au jour précédant ramenait je progressais lentement comme tâtonnant longeant les façades noircies boutiques éteintes aux lueurs succinctes rideaux de fer tombés théâtres vidés et dans les rues peu de mouvements où seules quelques voitures parfois filaient lumières lancées devant
des clichés pris de fenêtres carrés de lumière dans un ciel noir néons de cuisine close fast-food incertain de trottoirs couverts de dalles gaudí  (je me souviens avoir reçu il y a cinq ou six ans une boîte rectangulaire et brillante de carton blanc recelant une dizaine de chocolats aux formes et motifs identiques à ces dalles signées qui en leur cœur étaient poivrés salés ou à la graine de moutarde) de ponts autoroutiers semblant suspendus plus que portés et de moi marchant maintenant le pas rapide et le rythme soutenu pour fuir la nuit avant qu'elle ne m'enfouisse et que je ne sois plus

la ville passa vite la nuit moins à lire le notaire d'abord puis à écrire de ce premier jour le récit comme si j'en avais été non acteur mais témoin




on avait nos habitudes lui de dormir plus que moi on devait se retrouver plus tard dans la matinée sa nuit achevée la mienne encore à vouloir s'installer qui déjà marchais de la périphérie vers le centre pour le dépasser traverser de part en part la ville parallèlement à la mer sans jamais ne l'approcher ni même la voir qui ne semble pas être tant qu'on ne l'aperçoit comme une échappée faute à la grille à la répétition planification échiquier pion avançant lentement sans idée de ce qui l'attend jamais

il avait dit demain matin fais sans moi on se retrouvera plus tard c'est certain qui devions déjeuner ensemble près de l'université vers treize heures avec b.
il avait dit je te rejoindrai prenant le métro te rattraperai là où tu seras comme si on était là où on semblait être j'avais acquiescé je t'appellerai c'était compliqué
il avait dit je veux bien t'accompagner quand je le lui avais proposé la visite du pavillon dit de barcelone que quelques dizaines seulement de voyageurs parcours chaque jour alors que la sagrada dégueule de touristes portiques de sécurité vigiles parcours fléchés souvenirs à vendre dans des boutiques préfabriquées comme des algéco de chantier
il avait dit on verra 

on avait vu le ciel de la veille éclaircies temps variable au matin se changer en pluie sol brillant reflets gris parapluies aux mains bras relevés les essuie-glaces battant un rythme régulier à la surface des mondes écrans vitrés j'étais à pied marchand au hasard des abris des appels de la ville napée 
un marché
ça ressemblait à ailleurs à n'importe où juste parce que seul comme tant de fois déjà 
seul ici 
et là
c'était le regard de l'un qu'on attendait de l'autre




la ville par ses angles une longueur tourner et recommencer serpenter entre les blocs habités au pied des vies étagées volets baissés rideaux tirés loggias profondes trouvant l'ombre balcons filants surlignés de blanc combien de vies vraiment on en compte aucune pourtant soleil levé depuis déjà longtemps et tous à se presser dans les couloirs enterrés de la ville aux publicités souriantes ou dans les escaliers flots  d'hommes comme le ressac marées rapprochées assis peut-être face-à-face qui ne se connaissent pourtant dans les rames comme on se met à table avec un ami vieux de vingt ans s'évitant du regard tentant de lire le journal qu'un voisin tient ouvert devant lui ne pouvant s'empêcher d'écouter une vie racontée confidence partagée à un autre qui téléphone à l'oreille pense qu'on ne parle qu'à lui à qui donc pourrait-on révéler ça aujourd'hui 

on avait décidé de faire chacun de son côté jusqu'à midi mais en vrai il manquait

un café une pâtisserie un tabac au coin une station-service surmontée d'un immeuble de logements des travaux au milieu de la rue une dent creuse bâtisse détruite murs mitoyens projetés de jaune or comme du mercurochrome sur nos genoux ensanglantés enfants 
des bus des camionnettes peu de voitures quelques scooters et motos aucun vélo aucune poussette ni de fauteuil roulant
les boutiques vides devantures ouvertes quelqu'un à l'arrière qui range s'apprête 
le silence sur la ville comme flottant 

on avait décidé de se retrouver plus tard je composais son numéro 
et coupais 
il n'était pas temps




la ville par ses intérieurs ses creux ses plis ses en dedans la ville au travers de la vie des autres s'infiltrant

devant un premier café ralentir le pas un appel une nécessité et de les découvrir le seuil franchi de dos et de sombre vêtus tous alignés parlant fort sur le bord du comptoir comme aux premières places salle vide cinq ou six tables et ne pas s'y voir assis isolé perdu en mer à peine à savoir parler de quoi commander demi-tour sur un pied qui déjà marche reprenant le sens de la ville la laissant couler

la ville par ses largeurs toutes rues identiques volumes de même hauteur à peine à en regarder les boutiques tant c'est le vide entre les blocs qui t'appelle qui te capte toujours à te parler de la rue de la ville du vent qui y circule et comprendre qu'ici le trottoir est une berge un chemin de halage fleuve et rive opposée pour repères avancer vaguement d'amont en aval 

aller d'un bout à l'autre d'un lieu y courir çà et là, parcourir la ville *

entrer dans une pâtisserie deux femmes en blouses derrière une vitrine étirée sur la profondeur de la boutique à servir des cafés comptoir de marbre réduit au minimum un mètre à peine et à proposer de l'accompagner d'une pâtisserie je prendrai un croissant et le lait vous le voulez froid ou chaud me demanda l'une d'elle enfin c'est ce que je comprenais le tout sur un plateau plastique s'assoir face à elles et aux pains dorés par une lumière spécifique déjeuner
une dizaine de personnes 
entrer s'essuyer les pieds sur un carton posé au sol saluer être reconnu ou non habitué commander et servi se déplacer jusqu'à l'une des petites tables dans la salle dispersées ça n'arrêtait pas repartir saluer encore avec le souhait d'une bonne journée et refermer derrière soi
assis sur un tabouret table haute miroir dans le dos quelques photos prises et des notes dans un carnet




on avait décidé que la ville était unique immense et belle une référence où l'architecture révèle la puissance de l'homme moderne un absolu presque ville mer et montagnes nouées trame régulière permettant toutes les libertés on avait décidé que cette ville était celle où chacun devait aller

on avait en tête les banlieues désertées que des projets d'état tentent de rénover en faisant détruire raser ce qui pour chacun était un chez soi on avait en tête ces grandes avenues nouvellement plantées couloirs pour trams bus et pistes cyclables tirés au hasard des vides que les barres qu'on implose avaient laissés on avait en tête combien au loin pour nos richesses d'autres devaient aller habiter

on parcourait la ville le regard baissé la honte presque d'y trouver intérêt chaque pas comme l'acquiescement des milles crimes de l'argent patrimoine en tête qui ne parle que du grand du passé de l'histoire et jamais presque jamais des hommes disparus vivants et qui suivront je repense à ces docks transformés en centres commerciaux et au rejet des dockers devant les rénovations qu'ont-ils fait de nos heures qu'ont-ils fait de nous

la ville est un leurre qui perdu en ses rues s'offre à voir telle qu'elle est réellement 




j'ai contourné la sagrada familia ne voulant y rentrer et ai été surpris sur son côté de découvrir le béton majestueux colonnes puissantes érigées poutres d'acier la pierre comme la lèpre avançant qui ici n'avait encore touchée quand on pense que ce mascara dentelé est devenu le symbole de la ville sa richesse son salut on comprend ce qu'on a encore à perdre et ce que chaque jour on laisse

une palissade de bac acier un candélabre abusivement dessiné un arbre qui un jour peut-être le sera et ce couple marchant d'un bon pas
ainsi est la ville autour de la sagrada 




on avait gardé l'idée que pour exister les choses devaient un jour disparaître s'effacer avoir été et ne plus être on avait gardé ça en tête la ville perpétuellement refaite qui s'érige ici se creuse là croît s'effondre reprend s'élève jamais exactement la même place jamais heureusement la même forme

on avait imaginé la ville capable de survivre à l'homme et à ses intérêts comme résiste aux saisons l'arbre mais c'était sans compter sur la répétition qui en sauve tant la ville ne faisant que vieillir une fois née ne faisant que faner après floraison
on avait cru être pour la ville une force l'objet même qui n'étions seulement qu'à distance l'observant carnet en main notant tout ce qui faisait qu'elle se délitait semblant pourtant sans cesse se renouveler renaître comme une résurgence perpétuelle 
on avait tort 

la ville est une pierre que l'on sculpte sans cesse rapièce augmente use 
la ville est un corps mort que l'on prépare pour paraître puis qu'on enfouit
la ville comme des plaies toutes cicatrices apparentes les yeux perdus dans l'oubli

on avait cette idée en tête que de la ville on ne pourrait plus rien changer et que seuls notre regard nos mots prononcés nos heures passées à la parcourir sauraient (en nous) la restaurer
on y croyait




on avait décidé qu'habiter deviendrait se nicher chacun sa cellule son alvéole sa capsule pour lorsque l'heure viendrait de la main et d'une simple pression impulsion la décrocher dirigeable sans commandes partant à tout vent la rotation du tube comme une hélice léger mouvement tourner glisser dans l'air fuite en avant on verrait où ça nous mènerait

on avait commencé par reconstruire la ville détruit un à un les anciens blocs rebâti une résille résolu les rapports de voisinage allonge-toi là ça ira sur le ventre tête redressée tu verras le monde à tes pieds le nécessaire et le superflu intégrés à l'unique paroi hémisphérique isolée du thermos regarde tout va recommencer

on avait broyé la pierre coulé le béton étagé la vie on était prêts qui attendait allait partir               quand 

il a appelé
j'ai eu ton message tu es où où se retrouve-t-on et dans combien de temps ?

du temps on en avait encore rien ne pressait se retrouver d'abord et pour la fuite l'heure viendrait voir la ville en ruines et tous autour à photographier cordons de sécurité traversées organisées flots en silence mémoire recueillement on voulait on attendrait cartes postales aux présentoirs de fil blanc magasins toutes faces vitrées de souvenirs importés débordant un monde disparu ça a toujours intéressé ça allait marcher ville sauvée assurément




on avait dit on se retrouve au bistrot tu sais celui qui fait le coin del paral.lel véranda avancée sur l'avenue terrasse au vent jamais personne dedans que tient ce type gris pas un mot un signe juste de la tête quand tu paies et lui qui se reflète avec sa mauvaise mine et son fond de commerce dans les miroirs plafond murs comptoir au moins cent

on avait dit le temps du métro passage sous la ville à demi-mot et de préciser vingt minutes à peine qui en mettra le double avant de perdre haleine avenue de la reine on se retrouvera en haut 

au café une femme était assise qui parlait fort au téléphone comme pour que la salle entière on était deux entende ce que personne autour d'elle ne voulait comprendre peut-être même parlait-elle seule comme ces gens que tu connais et croises dans la rue qui pour t'éviter font semblant de prendre un appel détournant la tête le regard le pas fuyant celui qu'ils voient en toi et la radio comme les néons standards des années quatre-vingt à passer comme si n'importe où on était musique de fond

on avait dit qu'on s'attendrait devant le pavillon




on avait en sortant de l'avion la veille compris que nos regards nous feraient nous retourner à chaque pas sur les mêmes choses de la ville dégainant comme en parallèle nos appareils à clichés découvrant l'autre pareillement prêt et de s'interrompre alors pour le laisser photographier 

vues lointaines contre détails à portée de main tout y passait la ville impressionnée sur nos disques durs qu'une chronologie reconstituée aujourd'hui permettra de reconstruire point par point (on y travaille)

seuls séparés l'un de l'autre par la nuit on avait continué à photographier la ville accumulant une matière qui résonnait encore même isolée comme si rien ne pouvait altérer ce regard commun cet inventaire de tout et de nous ni la distance ni le temps qui nous avaient éloignés

on avait décidé de se retrouver au pavillon allemand exposition universelle de 1929 construit par mies van der rohe puis détruit puis reconstruit au milieu des années 80 comme si le passé avait plus de valeur que l'histoire (on aurait tant à reconstruire alors) et la terre devant désormais se recouvrir des merveilles disparues transformant l'époque contemporaine en un gigantesque parc d'attractions 

n'est-ce pas la voie que nous suivons ?




on avait parlé déjà du bruit
roulettes de valises sur tapis pastilles qu'il avait enregistré comme on garde la trace d'un mouvement et du temps clac clac clac régulier que personne n'entend après une heure d'avion carlingue de plastique oreilles assourdies sauf lui 
et les trottoirs dans la ville de reproduire ce bruit sous tout ce qui roulait ou râpait s'accrochait frappait bruit régulier si l'avancée aussi et cet homme d'en rajouter cognant le flanc des bouteilles d'un bâton pour appeler lors de son passage qui aurait besoin de gaz
les roues sur le quadrillage du trottoir on l'entendait venir de loin montant en puissance comme l'un de l'autre on s'approchait s'arrêtant simultanément lui tapant insistant encore au coin d'une rue profitant que le son en cet endroit se répande dans quatre directions différentes et de le photographier tache orange au centre du carré 
revenait en mémoire le piaggio tricycle du marchand de glaces de l'enfance qui se serait ici fondu dans le sable des murs et le retentissement de la cloche lorsqu'à trois heures de l'après-midi journée chaude d'été il entrait dans la cour du 35 boulevard kennedy 
revenait aussi ce que des années plus tard on entendait encore à paris vitrier vitrier vitrier mains aux bretelles plaques de verre derrière soi sac à dos merveilleux qui reflétait l'exact monde qu'on ne voyait pas sur fond de bleu




on croyait la ville immense qui n'était que quelques heures marche en tête à serpenter en ses rues évitant son tourisme se perdant un peu mais assez jamais

on croyait le plan parfaitement tramé tissé quadrillé qui se révélait au travers de diagonales et de rues sinueuses comme des courbes de niveaux dès qu'aux montagnes la ville venait taper brisant ses lames ondes de chocs que de loin on devinait

on croyait la ville unique et entière que les hauteurs nous révélaient nappe tapis étal ponctuée comme piquée de cents pointes tours clochers faisant d'elle une peau hérissée frayeur de quoi la ville avait-elle peur pour ainsi se défendre tel un rosier

on croyait la ville finie qui au plus loin tendait ses bras tentacules les oubliant même ne ramenant les choses à elles que par les lentes et souterraines vibrations des tubes d'acier

on croyait la ville belle de pierre de fleurs de terre cuite qui était devenue décor
 playlist




(au miroir reste la tâche d'inverser haut et bas)






en perdant la symétrie l'architecture moderne gagna le reflet et des choses prit le parti


on s'était retrouvés là sur le travertin couché sol veiné sous-face immaculée blanc pur sans reflet que de minces parois caressaient frôlement de peaux effleurées
on s'était retrouvés là et se perdait déjà château de cartes que le hasard de nos pas ne pouvait mettre à terre l'un devant l'autre derrière paroi de verre blanche lumière effroi
on glissait sur le sol évitant les lames de marbres fendant l'espace comme la scie le bois progression lente et puissante mets-toi de côté rien ne les arrêtera

chaque limite était claire 
sol toit
reflets verre
miroirs mille fois