à peine perdu(e)
(cliquez)
samedi 18 mai 2013
mardi 14 mai 2013
boutonnier / delabranche _ paroles
je suis curieux ces mots distants
qui ne disent rien _ pourquoi ?
rien à personne rien face à ce qu'on
met dedans distants de soi même et des autres distants comme
nécessaires pour ne pas être en dedans
dois-je comprendre quelque chose comme
creuser un écart, "ne pas être dedans" : écrire pour ne
pas coller à, plus que pour communiquer ?
écrire pour se découvrir être écrire
pour effleurer celui qui écrire sans finir se laissant de côté
écrire pour taire ne plus jamais crier
ce serait comme fuir de ces phrases
sans majuscule ni point toujours fuir laissant ouvert l'horizon des
mots cet horizon plus que lointain
ce serait comme se mettre à distance
se préserver chercher en soi communiquer certainement pas juste
partager peut-être et seulement parfois
oui je comprends. écrire partage : non
pas un qui lit un qui écrit, mais deux (ou plus) qui regardent
ailleurs ensemble...
écrire à se taire comme se soûler
de_soi écrire pour passer de l'autre côté de_soi écrire et dire
ce qu'on ne sait pas de_soi
lire écrire : expérience qui ouvre
défait déballe désembobine creuse déstabilise... parfois oui
ouvre sur un lien, une rencontre
quelques bribes d'on-ne-sait-trop-quoi
qui s'effilochent en se nouant... et ça parle et nous fabrique un
peu... et tout est à recommencer.
soi écrire : sans doute retourner sa
propre peau et constater le vide dont nos os sont l'écho. soi écrire
oui : briser ce masque qui ne cache.
écrire pour dire se dire et écrire
pour découvrir ce qui au fond de soi est aussi à un autre qu'à soi
sans le savoir juste le deviner
rien, cette aurore qui s'essore sur
rien, écrire pour cela, ce jour vide en nous qui regarde dans nos
yeux et s'étonne des espaces devant.
ce masque qui ne cache pour l'autre que
soi tant à écrire mieux on se voit
écrire oui ce vide qui nous lie tous à
chacun, c'est le fonds commun, la terreur, le trésor, écrire vers
cet élan, ce passage, cet expir.
oui s'ouvrir espace immense se
découvrir autant ne pas en revenir y rester même survivant _les
mots distants de tant de soi qu'on perd pied
mais comment ne pas finir quand la voie
est tracée alors partir laisser de côté oublier pour finir et
recommencer _je voudrais ne jamais
savoir comment faire me perdre à
chercher avançant sans douter et prêt à parler me taire me terrer
enfoui dans les mots silence gardé
se voit sans netteté sans contour sans
rien que l'ordre d'un nom barbelé, doux, ruisselant
ces mots distants qui ne disent rien
la trace oui comment la perdre à
chaque fois, renouveler la désorientation propice au visage à
nouveau, à sa parole en morceaux, ce vent
ces mots qui désignent l'ouverture de
rien
ces mots qui nous perdent plus que
moins
ces mots nos pores en orbites
mots perdus
qui gravitent
silence du mot
qui clôture
si lent le mal à clore
à l'orée muselle à vif le seuil
béant
et la voix et les heurts de monter à
sang
je n'ai rien abandonné qui ne soit pas
béant feuilles mots néant simple échancrure simple cri simple
pliure simplement dit
on fatigue on prétend on exige on
dément on répète on insiste on perd on persiste regarde comment
ils font ils disparaissent profond
mais rien ne le dit que nos mains ici
nos yeux creusent l'oubli tremblé sous
la voix du fond
on édifie l'orbite poudreuse le relais
que fuit l'orage chaque veine oui nos mains ici dé-ploient sous le
tranchant de l'invite : le sang feu
on joue on gît parmi
et puis jamais l'ombre dans l'embrasure
ne cède
on écoute se lasser l'incessant en soi
paupières neige aveugle joie - il y a - dure et puis l'incise
barbelée défait le vif on insiste
on s'étend on patiente on pause
on reprend
on revient déjà de tant
lentement
c'est la lumière qui change les heures
et seulement _le corps plie le cou tombe la main tire à terre la
pierre et le lit
tu vois je disais laisse filer les mots
distants ceux qui s'échappent et te fuient ceux qui perlent chaque
instant de ta bouche néant
laisse filer
et entends
comme on mord l'errance ensevelie dans
les hauts du vent
respire l'ascension_creuser la poudre
motrice et ta voix si lasse après l'air déchiré_ laisse
l'inconsolé filer la trame
tu vois c'est simple
ta main pense pour toi
chevillé sous l'aura des patiences
attends ce laps débordé
vois l'astre et le lait dans l'asthme
de ton pas
mon ami ne me feule au néant voisé
mon ami joue blanc qu'on respire
ce n'est pas tant un trou où tomber
qu'un fossé le pas chancelant la tête trop haut levée se perdant_
ce n'est pas vaciller mais s'écrouler
lourdement tomber de son long ailes déployées ventre rond et rouler
infiniment_
ce n'est pas se voiler vraiment_
c'est perdre pied perdre tant faillir
s'effacer effleurant le temps oublier l'idée finir le chant pousser
l'air laisser fuir tu comprends
c'est reprendre souffle seulement
je comprends c'est perdre oui
qu'ondulent les paupières à même l'incertitude
c'est mon ami pleurer l'herbe ravagée
d'innocence
ce n'est pas nouer nos veines autour de
l'eau non c'est respirer la crue du sang-joie vers l'irrémédiable
je voudrais me noyer dans le blanc
perdre haleine me jeter à l'eau étirer le temps
je voudrais peindre la ville de gris
prendre le sang des hommes tirer la toile étendre les bras au vent
je voudrais lancer des pierres des
fenêtres creuser la terre de cratères plier le sol ouvrir d'autres
champs
je voudrais les faire disparaître un à
un eux et tout ce qu'ils portent à chaque main
je voudrais effacer leur visage tendre
au lisse au blanc jeter à terre ce qui les dresse tant
je voudrais un temps encore rêver un
monde autrement
ces mots distants qui ne disent rien
(échange in progress entre julien boutonnier et moi-même_ publié avec son accord_ 2013)
vendredi 3 mai 2013
partout
18:45 fdf 1er mai
j'ai marché une heure environ descendant des hauteurs de fort-de-france où on m'avait déposé pour rejoindre l'hôtel respirant l'air chaud et humide de cette fin de journée c'était une belle balade quartiers riche d'abord puis moins puis pauvre avant de me laisser attraper par le damier du centre-ville délaissé de tous boutiques fermées en ce premier mai habitants cloîtrés chez eux logements étroits trois niveaux trois familles à mettre la télé fenêtres ouvertes enfants parfois jouant sur le balcon et si on rentrait par la fenêtre et il enjambe l'allège et disparaît son frère trop petit pour le suivre rentrant lui faire la tête
il y a ici quelque chose de passionnant de troublant de révoltant qui fait naître ce sentiment confus de vouloir aider œuvrer faire et qui en même temps raison retrouvée dicte de laisser comme c'est
au fond des vallées au bord des plages dans la forêt isolée les maisons tombent en ruines mais des ruines habitées voitures anciennes autour disséminées attendant que le végétal les digère aidé des hommes qui dessus récupèrent ce qui à d'autres manque des voitures comme les ruines d'une époque révolue et les maisons de s'affaisser dans les cours d'eau qui après les pluies se font torrents balayant tout puissamment et les vagues rognant la chair mettant à jour de fins os de béton que le sel de la mer gonfle gorge fer à vif que le sang de manquer alors qu'au-dessus la maison déjà de tomber et l'humidité partout la même que la forêt tropicale concentre retient diffuse maisons noires écroulées partout oui la même odeur de pauvreté de gens vivant de la pêche que l'on mange ou des fleurs volées tentant de les vendre qui ne met dans leur poche que de quoi acheter à l'épicerie du village volets ouverts sur un dédale de rayonnages et où l'on vend de tout gaz bière fruits et conserves et si tu es près de l'église les cierges pour une vie meilleure que le stricte nécessaire que tu pourras ranger comme tes quelques pièces de monnaie dans ta poche après
partout des gens sous les abris devant les maisons les boutiques partout des jeunes hommes à parler boire fumer quoi d'autre à faire et les filles et les femmes de grossir ne mangeant que le moins cher le sucré quand on pense que les fruits de pays sont ici plus chers qu'en métropole reste les brioches les boissons aromatisées et les burgers qu'on peut se payer
je suis descendu au bistrot rez-de-chaussée de l'hôtel des grilles là où on imagine des vitres et l'air que la pluie a rafraîchi pénètre jusqu'à moi à l'intérieur assis partout ça parle créole mots d'anglais de français et d'afrique m'a-t-on dit sorte de langage phonétique où chaque simplification semble faire écho au langage texto
gcri
je n'ai pas mangé hier soir peut-être ne mangerai non plus ce soir l'air ne s'y prête pas qui trop lourd trop d'eau en-dedans air liquide perlant
j'ai gardé sur la peau avant-bras cou visage les couleurs du soleil brûlant des caraïbes et regrette de n'avoir pu mettre qu'un bras au dehors de l'habitacle de la clio ou de ne pas avoir conduit l'alternance aurait équilibré l'écrevisse et il y en avait partout avant ici
mardi 23 avril 2013
on ne sait où
III
il y avait cette pendule ce matin qui sonnait les heures et qui continue encore il y avait cette pendule au carillon particulier entendu durant mes vingt premières années chaque heure passée à ses côtés pendule de bronze aux trois femmes drapées seins nus qui avant sur un buffet et aujourd'hui à terre il y avait cette pendule entendue des années après des centaines de kilomètres plus loin moi qui pensais que les choses n'existaient que dans les lieux où en nous elles étaient nées
elle sonne la demie
et il y a ces heures que jamais on n'oublie seulement on les met de côté comme ces choses qui ont servi et qui ne servent plus jamais
et il y a en soi tant qui revient sans nostalgie sans amertume sans larme aucune juste l'égrainage du temps qui rythme et dissipe
elle sonne encore
et il y a ce qu'on oublie ne voit plus ni n'entend les cris d'enfants les heures caché sous les draps les lumières au plafond que les persiennes strient
et il y a les corps des morts ces êtres présents près de soi comme de soi les prolongements qui n'ont pas attendu qu'on est l'âge de pleurer pour s'évanouir s'effacer s'en aller
et il y a le silence qu'on garde comme le plus grand présent voix intérieure que l'on suit et entend encore celle du secret émanant de ce temps
elle reprend
II
marcher dans une ville connue c'est toujours revenir sur soi-même ses traces ses histoires les savoir proches prêtes à surgir ici et là non par surprise juste comme attendues et de changer d'itinéraire n'y fait rien qui convoque ce qui provoque ce changement l'assoie le pose comme évidence et la ville de ne plus être que ce montage d'histoires vécues rues pour témoins comme si aux façades avaient été inscrits nos plaintes joies et tourments appels téléphoniques passés voix encore résonnantes entre les pierres roses ricochant sur les bétons reflets des vitres ensoleillées photographies prises rangées on ne sait où si ce n'est en soi claires et nettes comme un 4 par 6 affiché à chaque carrefour éclairé la nuit et qu'on renouvellera à chaque clignement des yeux et toutes ces pensées notées dans des carnets autant de page à se souvenir comme nos pas foulant l'asphalte gris de la ville
aujourd'hui me sont revenues plusieurs histoires à la fois n'en fabriquant plus qu'une que des années pourtant séparaient et que tout opposait comme si dans ces pages tournées la matière du présent se trouvait révélée et même se trouvait à son aise histoires de luttes mots échangés histoires de doutes larmes tirées histoires de fuites ne fait-on que cela depuis toujours fuir et fuir encore peut-être oui
enfant amant mari amant encore fuite en avant
I
(venir ici à strasbourg en son centre me transporte dans le temps sans pourtant faire ressurgir un quelconque passé dans cet aujourd'hui éclairé et c'est bien l'ambiguité de ces sentiments enfouis souvenirs fuyants dont les traces sont des lignes tirées directions uniques qui jamais ne fabriquent le présent juste à son arrière restées traine de tulle évanescente voile blanc brume que le vent dissipe tout autant et ce ne sont pas les rues ni les boutiques aperçues de loin arrivant mais plutôt ce que la ville donne vraiment son échelle son bruit sa couleur son air ses alignements on dirait un lieu unique comme l'est le havre quoi qu'en disent ceux que la ville n'intéresse pas ou qui simplement ne la connaissent pas la comparant à toute autre reconstruite et inversement et c'est ici une force impressionnante que de se sentir là là où l'on est vraiment tant les villes disparaissent derrière ce qui les rend toutes semblables non au travers des places des rues étroites des jardins des mairies et écoles des églises mais qui se reflètent toutes dans leurs boutiques mille fois répétées identiques aux enseignes qui ne nous apprennent plus rien sur le lieu et son histoire simple contemporanéité façade de carton jetable et déjà tant recyclée
la ville prend ce qu'elle ne donne pas mais offre entre ses pierres taillées ses brasseries rideaux tirées ses rues animées une sensation de suffisance et d'autonomie que je suis venu chercher il y a quelques années me mettant à l'abri des cris du bruit que faisait ma vie me mettant à l'écart de moi-même me posant de côté et là allongé arrêtant d'écrire je reprenais la lecture cherchant dans les mots des autres l'aide que personne ne voulait plus me donner main tendue mainte fois perdue seul pour une fois qui ne recherchais que la compagnie de l'autre le regard et la voix alors reprendre vie
samedi 30 mars 2013
barcelone
on
avait quitté l'avion marché longtemps dans des couloirs vitrés au tain fumé on
avait monté puis descendu des escaliers les mains glissant sur les rampes comme
le monorail prend son électricité on avait filé au plus court coupant les
routes traçant en diagonales des parcours inconnus à tous qui suivaient de la
foule le mouvement régulier
on
avait emprunté cette passerelle jetant notre regard vers la ville encore
lointaine qui menait de nulle part à nulle part juste de survoler les pieds sur
terre des voies réservées aux cars on avait entendu avant d'écouter le
roulement des valises sur le sol pvc couvert de pastilles noir il l'avait noté
et un rythme de s'instaurer à nos pas même à nos mots
on
avait passé les portes vitrées s'effaçant devant soi d'un simple ticket de
carton dans une fente glissé on avait parcouru le quai au sol de carreaux
rouges rainurés on avait entendu encore la musique des valises tirées mais
cette fois on ne l'écoutait plus le paysage s'était ouvert étendu
on avait pris l'avion pour venir là
après avoir pris le rer et aussi le train on avait pris plaisir à se
rencontrer de nouveau se serrer la main se parler sans se connaître sans se
dévisager on avait pris le temps d'ouvrir entre nous un monde commun on savait
qu'il existait juste le temps de l'énoncer on avait pris patience en attendant
debout dans la file d'attente l'embarquement échangeant à propos de rien à
propos de tout construisant ce troisième être qui serait nous
on avait eu en commun la voiture pour
parcourir les routes tendre des mains entamer des dialogues présenter nos desseins
et aussi nos échecs des kilomètres pour rien on avait dormi dans des hôtels
défraîchis des hôtels chaînes aux coursives et toits débordants et au
restaurant fermé depuis longtemps quand la voiture se garait devant on avait
aimé ces trajets ces heures à penser ces notes prises ces disques mis fort à
jouer
on avait chacun à notre manière vécu des
heures claires en haut des montagnes respiré l'air des vallées embrumées on
avait écouté le cheval laissé passer la vague on avait tout en nous gardé comme
notre plus grand secret on avait rien de commun avec les autres on avait dans
le creux de nos mains quelque chose de l'autre
on avait regardé ce paysage comme ne le
comprenant pas un vent de silence le figeant depuis longtemps on avait regardé
devant soi puis au loin multitude de limites que rien ne rendait franchissables
on avait nommé le grillage la route le rail de béton et cet autre grillage on
avait compté les verticales celles des poteaux celles des mâts de lampadaire
celles courbées en haut celles perdues dans le ciel on avait dit que fait cet
arbre ici et cet arbuste au pied tordu qui l'enlace on avait dit on dirait le mexique
les gens à l'entour qui parlaient y étaient pour quelque chose sûrement on avait dit
on se croirait au mexique qui n'y étions jamais allés le vide la poussière la
lumière la plaine étendue de voitures et le sol vierge avant les montagnes les
grillages des grillages et ces arbres couleur pierre
on avait eu cette idée que de l'autre
côté c'était nous qui étions nous derrière les fils de métal torsadés nous
derrière les barbelés la route comme un tour de garde la route impossible à
prendre à passer et perpendiculaire au regard alors que nous on se perdait à
l'horizon
on avait des envies d'évasion
on avait aimé ce moment ce lieu ce temps
chaque chose ainsi fichée dans le sol ou juste posée temporairement on avait vu
au gré d'une clairière dans le ciel gris de fer apparaître sur la terre des
ombres étirées s'évaporant presque et les lignes blanches du parking que la
lumière révélait stop en majuscules on avait lu fran lloron vas a morir comme l'ombre d'un homme pleurant sur le corps d'un autre mourant on avait
attendu que le train vienne qui annoncé ne pouvait tarder maintenant
on avait apprécié ce moment ce lieu ce
temps comme si une fois passé on avait dû faire demi-tour rentrer voyage fini
et ça nous a effleuré de repartir faire volte-face vol retour ne gardant de la
ville que ce qu'elle offre aux premiers regards regards lointains et même si de
la ville on ne voyait rien vraiment on avait hésité incertains cigarette à la
main
on avait pensé que rien ne devait être
pris pour banal que tout valait pareillement on avait pensé à celui qui pour créer une relation spontanée à l'œuvre lit écoute parcourt celle d'un autre immenses tous deux l'œuvre et l'autre
on avait pensé qu'ici commençait le voyage vraiment
on avait dit être prêts la ville avec
des yeux neufs on la verrait comme la nuit renouvelle le jour
on n'avait que peu de temps devant nous
mais qui peut affirmer en avoir beaucoup on avait peu de temps que le train
entrant en gare allait écourter encore lorsqu'un homme ombre noire le regard
baissé téléphone en main apparu mettant en mouvement la scène figée décor
désormais pour un seul homme mouvement là où avant il n'y en avait aucun
on avait essayé de lui parler criant
même faisant d'amples gestes comme si ailés rien n'y faisait ne parvenant à
modifier ses pas rythmés sa marche régulière son avancée lui comme derrière un
mur de verre isolé éloigné on avait parlé mais à ses oreilles était restés
muets mots réservés mots secrets monde clos et le train arrivant ralentissant
freinant finissant par s'arrêter qui déjà de lui nous écartait
on avait fait mine alors de l'oublier
ombre sur son corps les portes de la rame s'ouvrant on montait avait pris place
face à face comme pour du regard sur le paysage qu'on allait traverser avoir à
deux un horizon complet on avait senti le train vibrer puis partir qui déjà
rattrapait l'homme en noir le dépassant qui marchait du même pas lent et
régulier sur cette route qu'on survolait maintenant dans une boucle un
soulèvement
on avait eu le temps de le voir de face
les yeux perdus à la surface de l'écran noir résumé du monde univers
portatif et communiquant on avait voulu de nouveau faire signe lui souriant
seulement maintenant qui nous voyait regards se croisant lui ralentissant le
pas le train accélérant déjà on se perdait
on
avait à peine découvert ce qui de soi ne pouvait au premier regard se voir on
commençait à peine à se parler alors comment faire de soi l'économie nos mots
se mêlant formant des phrases qu'on n'avait à peine encore prononcées et le
paysage de défiler les champs les arbres les voies et au loin comme une nappe
blanche en relief zone d'activités annonçant plus loin encore finissant
dans le ciel les montagnes que plus tard on allait longer
on
avait à peine commencé à se dire à peine à voyager et les choses du territoire
ici aussi de se mêler formant au-delà d'elles-mêmes un autre paysage qui
restera effleuré caressé du regard comme on entend sans écouter la mémoire
imprimée impression relief que la lumière en soi fait vibrer
on
avait posé près de nous nos sacs sorti nos appareils photo et un guide
hâtivement acheté le premier vu sur la table du libraire veille de départ se
préparer sans avoir l'air et on avait déplié le plan sectorisé de la ville
tramée et de dire le besoin d'une carte globale pour se repérer pointant ici et
là tournant les pages les endroits à visiter comprenez où on avait rendez-vous
où on devait aller
on
avait en commun cette idée de ne rien rater de ce qui ici devait nous arriver
on avait en commun de découvrir la ville en se projetant en avant sans plan
sans vue sans but sans idée préconçue
on
avait en commun l'idée que la ville serait où que l'on soit en elle autour de
nous
on avait rejoint d'autres voies fin de
boucle venant mourir sur une ligne droite tirée depuis le sud du pays et comme
l'accompagnant un portique de béton faisait cadres successifs tableaux glissant
horizon se déplaçant latéralement on avait rejoint d'autres voies et ralenti
laissant prendre de l'avance à un autre convoi qui nous ouvrait la route
maintenant vers la ville au bruit montant
on avait chacun nos téléphones à la main
qui pour organiser son forfait à l'étranger qui pour garder traces de ce
paysage filant que le béton couleur sable révélait ciel devenu uniformément
blanc on avait dans nos mains ce qui nous unissait indéniablement cet objet parfait
et désormais aussi courant que l'avait été le travail il y a longtemps et quelqu'en
soit l'usage qu'on en faisait il devenait unique de soi un prolongement
on avait sous les yeux les larmes de la
ville un étirement le périurbain remontant vers une source qui nous inonderait
on le savait en était conscient
on avait pris de la vitesse après l'élan et traversait
une banlieue jetée au hasard au milieu des champs parcelles isolées que l'on
construit comme si la ville demain allait jusqu'ici s'approcher on avait vu
lentement l'horizon disparaître la bâti prenant des formes variées que rien ne
liait comme des montagnes l'arrête on avait perdu du paysage l'unité que seul
tentaient de préserver les équipements ferroviaires régulièrement
placées
on avait perdu nos repères
on avait parlé de ces chemins de fer qui entraient
dans les villes comme on cible d'un corps le cœur on avait parlé de ce paysage
autour se dessinant peu à peu se densifiant la ville naissant qui bientôt quand
en sous-sol on serait deviendrait pleine et à nos yeux absente n'en sentant
plus que l'écho dans les tunnels du métro
on avait comment faire autrement parlé de cette ville
souterraine les gens s'y déplaçant comme si double elle était maintenant en
surface en tunnels on les avait regardés assis ou debout à parler téléphoner
tapant hâtivement des mots abrégés sur des claviers/écrans qui les liaient à
d'autres sur terre peut-être on avait observé et comparé avec ce que l'on
connaissait mêmes situations mêmes postures mêmes regards et la langue de n'y
rien changer pourtant il avait dit qu'ici peut-être il ne pourrait faire ce que
d'habitude il faisait puis s'était repris un blanc marche arrière le monde
partout pareil juste prendre le temps d'y trouver ses repères
on avait devant nous la ville qui se construisait
peu à peu pièce après pièce pierre par pierre les rideaux aux loggias les
antennes aux balcons les volets aux fenêtres des histoires derrière mais
personne qui ne se montrait ville de banlieue cillant à peine à nos yeux
on avait parlé des façades écrans entre
soi et eux des plaques de béton préfabriquées comme des enfants les jeux juste
des vies à assembler des tours à construire à refaire et à se voir soi
miniature dedans à vivre mille histoires mille silences rideau
on avait devant nous ce qui ne faisait
ni la richesse de la ville elle-même ni celle de ceux qui ici habitaient
seulement ceux qu'on éloigne qu'on disperse qu'on écarte qu'on efface qu'on
délaisse
on avait reparlé de ces arrivées lentes
ces découvertes patientes tant de fois pratiquées involontairement nos trains
se rapprochant des centres et toujours finissant dans le sous-sol des
villes on avait reparlé de ce monde chaque fois disparaissant la distance
s'amoindrissant la ville toujours lointaine la ville comme un mirage un effacement
on avait regardé le monde qui se
dessinait au travers de nos fenêtres un monde furtif et fugitif
on avait regardé la ville comme une
valeur de fiction de la banlieue une dissimulation
on avait dressé l'inventaire comme dans
un cahier des villes ainsi à se plier descendant vers la mer descendant vers un
fleuve une plaine un creux de terre on avait parlé des murs des escaliers des
rampes et routes sinueuses on avait dit combien on avait aimé pénétrer ainsi
les villes étagées se donnant à voir comme en contreplongée plans successifs
mouvements différés le train animant les scènes se jouant des tableaux
on avait à peine l'air étonné d'être là
parlant comme si le monde partout le même ce qu'en nous on croyait car
qu'importent le toit la forme du train la couleur de la pierre qu'importent les
noms les voix les accents clairs qu'importent la couleur des ciels la chaleur
de l'air l'homme partout le même à ne plus savoir quoi faire à tendre la main
pour prendre ou attendant juste de celui qui a pris qu'il rende
on avait en train fait un second voyage
échangeant en mots en regards comme des vagues ressac incessant ressassées
infiniment sa voix la mienne couvrant nos entendus se retirant on avait tant
dit déjà que les heures futures se dessinaient non comme un dupliqua mais
un regard doublement puissant
on avait refermé les cartes les sacs on
avait réglé les forfaits les points de chutes les premières heures on avait
défini où on irait sortant de là refaisant surface quand dans le sol le train
se ficherait on avait remis les vestes quittant des yeux les fenêtres assis
face à face on avait attendu notre heure
on
avait parlé du métro comme si simplement en pénétrant le sol notre train en
était devenu un qui filait maintenant dans l'obscurité des tunnels creusés sous
la ville la ville elle-même la ville plus encore que celle de surface une ville
contemporaine sans l'histoire juste celle des noms stations arrêts ponctuant le
parcours faisant lien avec des guerres des rois des rues des gloires du dessus
de la terre on avait autour de nous fait le noir
on
avait cette impression de soustraction à la ville tant d'années à avoir appris
celle mathématique alors qu'en tous lieux aujourd'hui elle existe qui n'est
plus un concept juste un effacement une disparition la ville suspendue
au-dessus de nos têtes telle une épée une lame un couperet la ville tendue et
immense toile trame grille nappe que rien ne saura plus limiter ville
touristique ville cartes postales ville figée pour la mémoire commerciale des
comptes rentiers
on
avait allumé la rame mis le jour dans la nuit ouvert des brèches baissé les
armes et la ville du dessus de disparaître plus un bruit on avait repensé
à l'avion descente entamé voix étouffées refermé sur soi-même le monde en
dedans du bruit juste le blanc silence abstrait et là la ville de jouer le jeu
roulements rythmes sonneries portes paroles noyées au fond sous terre la ville
aux murs résumée
on
avait les yeux rivés sur l'écran indiquant les stations s'y reprenant à deux
pour vérifier qu'on n'avait pas manqué l'arrêt le regard comme replié sur ce
monde intérieur tentant de deviner sans le vouloir vraiment qui nous faisaient
face qui étaient ces gens compagnons de voyage d'un instant leur imaginant
mille vies et où ils allaient d'où ils venaient quelle serait leur voie
maintenant que le métro s'arrêtait
on avait voyagé seul chacun à un bout de
la carlingue ralentir ralentir
le mouvement on avait commencé puis arrêté de se découvrir un temps
on avait gardé nos distances ce sourire comme seule politesse on allait se
lancer maintenant
on avait détourné le regard passé notre chemin quitté
des yeux les autres oublié les tunnels parlant déjà de tant on avait détourné
la tête et voilà le monde qui s'éclairait un émerveillement broderie dorée
en bordure du temps on avait détourné notre attention quand mille lumières nous
tiraient d'un sommeil profond comme on nous aurait pris par l'épaule debout
maintenant
on avait dans un geste commun sorti l'appareil pointé
au hasard et déclenché intempestivement figeant sur la pellicule de verre de
nos écrans des points de lumière qu'on ne comprenait plus maintenant
on avait attendu l'arrêt du train en
gare station gloriès pour se lever
on avait gravi des escaliers
on avait passé des portes vitrées et
choisi au hasard tel couloir menant à telle sortie comment savoir laissant la
ville souterraine ici
on avait parlé de ces voyages parisiens
métros ou bus assis à parcourir les rues les tunnels déambulations sans
but
on avait parlé de ces trajets juste pour
observer s'observer jouet soi-même d'un monde à la mécanique huilée
rotations infinies
infinies
on avait décidé à deux et contre tant de
construire sur la ville un toit reflet du
dedans un pli de métal feuille d'or et des rues ne plus voir que l'envers ciel
à terre et des hommes les chevelures qui enfin nous souriaient monde meilleur
assurément
on avait décidé d'un simple regard
échangé de couvrir la ville entière de son image inversée tentant de rendre le
vrai de rétablir un équilibre disparu depuis longtemps on avait bien construit
sous terre alors dans le ciel maintenant
on avait dressé des palissades monté des
grues travaillé le fer serré l'acier contre l'acier des poutres qui sous les
feuilles ambrées disparaîtraient comme un squelette dont on est peu fier
on avait cherché des ouvriers on n'était
que deux comment autrement faire et en avait trouvé funambules terrassiers
soudeurs grutiers polisseurs miroitiers
on avait monté comme s'élèvent les
arbres des poteaux de fer qui soutiendraient sans le montrer le toit aux mille
reflets
on avait décidé des financiers à nous
suivre vital était notre projet l'avenir de la ville en dépendait il fallait y
aller nous aider
on avait des idées
et qu'importe du lieu l'histoire
et qu'importe ce
qu'on ensevelissait qu'aucun reflet ne pourrait plus montrer
qu'importe même les hommes au passé
effacé
la ville grâce à nous avançait
on avait laissé dernière nous les routes
soulevées voitures invisibles que le bruit aérien trahissait comme ces avions
trop hauts dans le ciel que la vapeur d'eau désigne à grands traits
on avait laissé les tours colorées
vulgaires quand allumées scintillant de milles facettes comme une salle de jeux
désertées dans un casino de la côte été passé
et les toits aux reflets façon papier
aluminium froissé que le souffle du vent maintenait à bonne distance du sol
apesanteur contrariée
on avait laissé les chemins fléchés les
programmes planifiés notre regard voyager
on avait marché longeant les ilots
réguliers que des rues taillées d'un coup de lame délimitaient mieux que les
façades comme on fait de la cour prisonnier le tour d'un pas régulier parce que
surveillés liberté plus que conditionnelle
on avait marché marché d'un pas lent
sous les arcades le long des parcs au nord de la gare entre les tables dressées
restaurants fermés terrasses désertées
on avait à peine levé les yeux c'était
le sol qu'on regardait peintures empreintes marques fragments la ville se
dessinant au travers d'un vocabulaire minimal résumé au nécessaire que du
moindre regard tous on comprend
on avait à peine levé les yeux se
limitant au plan imaginaire que les feux tricolores peints de jaune faisaient dans
le ciel comme ces points numérotés jeux d'enfants sur une feuille que de la
main on relie révélant une réalité clairsemée émiettée perceptible
maintenant
à fleur d'elle on avait été
tu vois j'avais dit c'est ça pour moi
l'architecture une simple trame verticale facettes en écailles comme si de la ville tout était résumé dans une façade pliée la hauteur des ilots la répétition
des étages et les fenêtres droites comme des hommes levés
tu vois j'avais dit personne ne regarde
ici qui tous se perdent dans ce qu'on leur montre leur vend leur fait aimer ce
qui frise ce qui sculpte ce qui colonne et portique tu vois celui-là il ondule
dans la ville danse dans les rues un mouvement continu un voile aux mille bleus
comme différents sont les hommes
tournant autour on avait découvert du
vide la matière et du creux la lumière on avait découvert de la ville un secret
il y en avait d'autres on arrivait seulement
je parlais seul depuis déjà longtemps
qui était parti faire de l'immeuble le tour regardant chaque détail chaque
entrée chaque signe et de les photographier comme on dresse l'inventaire
fouilles en cours de pièces trouvées époque lointaine et mises à jour valant
dès lors à ses yeux bien plus qu'on ne l'enseigne
sur la ville et en secret le voile se
levait et le vent n'y pouvait rien qui était resté dans la plaine
on avait voulu se noyer dans la ville se
fondre en elle laissant nos sacs à l'hôtel marchant regard distrait comme si
d'ici on était ici on vivait ne rien prendre avec surprise n'y trop d'intérêt
juste passer discrètement être passants on avait voulu qui tous les trois
mètres dégainait pour tout ce qu'on voyait nos instamatic dernier cri sur les riverains marée humaine sur
les devantures usées de boutiques que personne d'autre ne semblait voir ni
regarder sur les carrefours tachetés de jaune comme sur les murs affichés on
avait voulu faire taire notre différence qui semblait tant nous imprégner de la
ville qu'en elle seuls on était les autres ailleurs autre monde vraiment
et la
ville ici dans ces rues marchandes où on avait rendez-vous foule d'hommes
allant indifféremment droit devant elle de nous rattraper quartier centré et la
main de perdre prise le corps pied la ville de s'échapper le sable de filer
entre nos doigts et de se dire pour la première fois qu'aveugles ici on était
on avait voulu se noyer dans ville qui
nous rejetait maintenant sur la grève corps de côté reprenant souffle avant de
se relever repartir s'échapper même fuyant dans le sous-sol obscur et anonyme de
la ville-tunnel on avait repris pied marchant comme on fraie chemin tranchant
dans l'inerte banquise qui sinon vous retient paralyse on avait fui pour se
sauver et l'air de nouveau de nous irriguer poumons gonflés heureux de
reprendre vie
sur la ville on avait gagné
on
avait fini par arriver n'en avait jamais douté une impasse quelques marches à
l'une des extrémités un passage couvert à peine perçu sorte de porte sur une
pile posée
on
avait fini par arriver malades nauséeux fragile que cette jeunesse perdue
épuisés heureux de pousser la massive porte de bois du café qui n'en était pas
on
avait fini par la retrouver elle qui nous avait invités là fumant une cigarette
au milieu d'amis fumant aussi on avait échangé quelques mots puis rentrés avait
parlé de ce qui se passerait salle remplie lui et moi à présenter nos textes
publiés en français
on
avait pris un verre comme si avait été le premier liant chaque instant un peu
plus cette nouvelle amitié dans une suite de souvenirs futurs que je ne pourrai
oublier
aux
murs de la salle des œuvres accrochées une loupe proche comme pour zoomer
au plafond métor show le monde à facettes qui reflète
de la
poésie lue et jouée et on avait fait un pas vers la table préparée trois
chaises elle qui introduirait et traduirait et nous côte-côte comme un duo
devenus inséparables depuis cinq heures qu'on se connaissait
on
avait fini par se lancer dévoilant un peu de nous même au travers de mots qui en espagnol prenaient sens
ils
comprenaient
on
avait fini par se séparer se saluer se dire à demain et seul nuit tombée
j'étais reparti pour une autre traversée ville endormie remontant du jour le
cours comme si la nuit en était l'envers comme si une fois venue se
déclenchait un compte à rebours qui au jour précédant ramenait
je progressais lentement comme tâtonnant longeant les façades
noircies boutiques éteintes aux lueurs succinctes rideaux de fer tombés
théâtres vidés et dans les rues peu de mouvements où seules quelques voitures
parfois filaient lumières lancées devant
des
clichés pris de fenêtres carrés de lumière dans un ciel noir néons de cuisine
close fast-food incertain de trottoirs couverts de dalles gaudí (je me
souviens avoir reçu il y a cinq ou six ans une boîte rectangulaire et brillante
de carton blanc recelant une dizaine de chocolats aux formes et motifs
identiques à ces dalles signées qui en leur cœur étaient poivrés salés ou à la
graine de moutarde) de ponts autoroutiers semblant suspendus plus que
portés et de moi marchant maintenant le pas rapide et le rythme soutenu pour fuir
la nuit avant qu'elle ne m'enfouisse et que je ne sois plus
la
ville passa vite la nuit moins à lire le notaire d'abord puis à
écrire de ce premier jour le récit comme si j'en avais été non acteur mais
témoin
on
avait nos habitudes lui de dormir plus que moi on devait se retrouver plus tard
dans la matinée sa nuit achevée la mienne encore à vouloir s'installer qui déjà
marchais de la périphérie vers le centre pour le dépasser traverser de part en
part la ville parallèlement à la mer sans jamais ne l'approcher ni même la voir
qui ne semble pas être tant qu'on ne l'aperçoit comme une échappée faute à la
grille à la répétition planification échiquier pion avançant lentement sans
idée de ce qui l'attend jamais
il
avait dit demain matin fais sans moi on se retrouvera plus tard c'est certain
qui devions déjeuner ensemble près de l'université vers treize heures avec b.
il
avait dit je te rejoindrai prenant le métro te rattraperai là où tu seras
comme si on était là où on semblait être j'avais acquiescé je t'appellerai
c'était compliqué
il
avait dit je veux bien t'accompagner quand je le lui avais proposé la visite du
pavillon dit de barcelone que quelques dizaines seulement de voyageurs parcours chaque jour alors que
la sagrada dégueule de touristes
portiques de sécurité vigiles parcours fléchés souvenirs à vendre dans des
boutiques préfabriquées comme des algéco de chantier
il
avait dit on verra
on
avait vu le ciel de la veille éclaircies temps variable au matin se changer en
pluie sol brillant reflets gris parapluies aux mains bras relevés
les essuie-glaces battant un rythme régulier à la surface des mondes
écrans vitrés j'étais à pied marchand au hasard des abris des appels de la
ville napée
un
marché
ça
ressemblait à ailleurs à n'importe où juste parce que seul comme tant de fois
déjà
seul
ici
et là
c'était
le regard de l'un qu'on attendait de l'autre
la
ville par ses angles une longueur tourner et recommencer serpenter entre les
blocs habités au pied des vies étagées volets baissés rideaux tirés loggias
profondes trouvant l'ombre balcons filants surlignés de blanc combien de vies
vraiment on en compte aucune pourtant soleil levé depuis déjà longtemps et tous
à se presser dans les couloirs enterrés de la ville aux publicités souriantes
ou dans les escaliers flots d'hommes comme le ressac
marées rapprochées assis peut-être face-à-face qui ne se connaissent
pourtant dans les rames comme on se met à table avec un ami vieux de vingt ans
s'évitant du regard tentant de lire le journal qu'un voisin tient ouvert devant
lui ne pouvant s'empêcher d'écouter une vie racontée confidence partagée à un
autre qui téléphone à l'oreille pense qu'on ne parle qu'à lui à qui donc
pourrait-on révéler ça aujourd'hui
on
avait décidé de faire chacun de son côté jusqu'à midi mais en vrai il manquait
un
café une pâtisserie un tabac au coin une station-service surmontée d'un
immeuble de logements des travaux au milieu de la rue une dent creuse bâtisse
détruite murs mitoyens projetés de jaune or comme du mercurochrome sur nos genoux
ensanglantés enfants
des
bus des camionnettes peu de voitures quelques scooters et motos aucun
vélo aucune poussette ni de fauteuil roulant
les
boutiques vides devantures ouvertes quelqu'un à l'arrière qui range
s'apprête
le
silence sur la ville comme flottant
on
avait décidé de se retrouver plus tard je composais son numéro
et
coupais
il
n'était pas temps
la
ville par ses intérieurs ses creux ses plis ses en dedans la ville au
travers de la vie des autres s'infiltrant
devant
un premier café ralentir le pas un appel une nécessité et de les découvrir le
seuil franchi de dos et de sombre vêtus tous alignés parlant fort sur le bord
du comptoir comme aux premières places salle vide cinq ou six tables et ne pas
s'y voir assis isolé perdu en mer à peine à savoir parler de quoi commander
demi-tour sur un pied qui déjà marche reprenant le sens de la ville la laissant
couler
la
ville par ses largeurs toutes rues identiques volumes de même hauteur à peine à
en regarder les boutiques tant c'est le vide entre les blocs qui t'appelle qui
te capte toujours à te parler de la rue de la ville du vent qui y circule et
comprendre qu'ici le trottoir est une berge un chemin de halage fleuve et rive
opposée pour repères avancer vaguement d'amont en aval
aller d'un bout à l'autre d'un lieu y
courir çà et là, parcourir la ville *
entrer
dans une pâtisserie deux femmes en blouses derrière une vitrine étirée sur la
profondeur de la boutique à servir des cafés comptoir de marbre réduit au
minimum un mètre à peine et à proposer de l'accompagner d'une pâtisserie je prendrai
un croissant et le lait vous le voulez froid ou chaud me demanda l'une d'elle
enfin c'est ce que je comprenais le tout sur un plateau plastique s'assoir face
à elles et aux pains dorés par une lumière spécifique déjeuner
une
dizaine de personnes
entrer
s'essuyer les pieds sur un carton posé au sol saluer être reconnu ou non
habitué commander et servi se déplacer jusqu'à l'une des petites tables dans la
salle dispersées ça n'arrêtait pas repartir saluer encore avec le souhait d'une
bonne journée et refermer derrière soi
assis
sur un tabouret table haute miroir dans le dos quelques photos prises et des
notes dans un carnet
on
avait décidé que la ville était unique immense et belle une référence où
l'architecture révèle la puissance de l'homme moderne un absolu presque ville
mer et montagnes nouées trame régulière permettant toutes les libertés on avait
décidé que cette ville était celle où chacun devait aller
on
avait en tête les banlieues désertées que des projets d'état tentent de rénover
en faisant détruire raser ce qui pour chacun était un chez soi on avait en tête
ces grandes avenues nouvellement plantées couloirs pour trams bus et pistes
cyclables tirés au hasard des vides que les barres qu'on implose avaient
laissés on avait en tête combien au loin pour nos richesses d'autres devaient
aller habiter
on
parcourait la ville le regard baissé la honte presque d'y trouver intérêt
chaque pas comme l'acquiescement des milles crimes de l'argent
patrimoine en tête qui ne parle que du grand du passé de l'histoire et jamais
presque jamais des hommes disparus vivants et qui suivront je repense à ces
docks transformés en centres commerciaux et au rejet des dockers devant les
rénovations qu'ont-ils fait de nos heures qu'ont-ils fait de nous
la
ville est un leurre qui perdu en ses rues s'offre à voir telle qu'elle est
réellement
j'ai contourné la sagrada familia ne voulant y rentrer et ai été surpris sur son côté
de découvrir le béton majestueux colonnes puissantes érigées poutres d'acier la
pierre comme la lèpre avançant qui ici n'avait encore touchée quand on pense
que ce mascara dentelé est devenu le symbole de la ville sa richesse son
salut on comprend ce qu'on a encore à perdre et ce que chaque jour on laisse
une palissade de bac acier un candélabre
abusivement dessiné un arbre qui un jour peut-être le sera et ce couple
marchant d'un bon pas
ainsi est la ville autour de la sagrada
ainsi est la ville autour de la sagrada
on avait gardé l'idée que pour exister
les choses devaient un jour disparaître s'effacer avoir été et ne plus être on
avait gardé ça en tête la ville perpétuellement refaite qui s'érige ici se
creuse là croît s'effondre reprend s'élève jamais exactement la même place
jamais heureusement la même forme
on avait imaginé la ville capable de
survivre à l'homme et à ses intérêts comme résiste aux saisons l'arbre mais
c'était sans compter sur la répétition qui en sauve tant la ville ne faisant
que vieillir une fois née ne faisant que faner après floraison
on avait cru être pour la ville une
force l'objet même qui n'étions seulement qu'à distance l'observant carnet en
main notant tout ce qui faisait qu'elle se délitait semblant pourtant sans
cesse se renouveler renaître comme une résurgence perpétuelle
on avait tort
la ville est une pierre que l'on sculpte
sans cesse rapièce augmente use
la ville est un corps mort que l'on
prépare pour paraître puis qu'on enfouit
la ville comme des plaies toutes
cicatrices apparentes les yeux perdus dans l'oubli
on avait cette idée en tête que de la
ville on ne pourrait plus rien changer et que seuls notre regard nos mots
prononcés nos heures passées à la parcourir sauraient (en nous) la restaurer
on y croyait
on
avait décidé qu'habiter deviendrait se nicher chacun sa cellule son alvéole sa
capsule pour lorsque l'heure viendrait de la main et d'une simple pression
impulsion la décrocher dirigeable sans commandes partant à tout vent la
rotation du tube comme une hélice léger mouvement tourner glisser dans l'air
fuite en avant on verrait où ça nous mènerait
on
avait commencé par reconstruire la ville détruit un à un les anciens blocs
rebâti une résille résolu les rapports de voisinage allonge-toi là ça ira sur
le ventre tête redressée tu verras le monde à tes pieds le nécessaire et
le superflu intégrés à l'unique paroi hémisphérique isolée du thermos regarde
tout va recommencer
on
avait broyé la pierre coulé le béton étagé la vie on était prêts qui attendait
allait partir quand
il a appelé
j'ai eu ton message tu es où où se retrouve-t-on et
dans combien de temps ?
du
temps on en avait encore rien ne pressait se retrouver d'abord et pour la fuite
l'heure viendrait voir la ville en ruines et tous autour à photographier
cordons de sécurité traversées organisées flots en silence mémoire
recueillement on voulait on attendrait cartes postales aux présentoirs de
fil blanc magasins toutes faces vitrées de souvenirs
importés débordant un monde disparu ça a toujours intéressé ça allait
marcher ville sauvée assurément
on
avait dit on se retrouve au bistrot tu sais celui qui fait le coin del paral.lel véranda avancée sur l'avenue terrasse au vent jamais personne dedans que
tient ce type gris pas un mot un signe juste de la tête quand tu paies et lui
qui se reflète avec sa mauvaise mine et son fond de commerce dans les miroirs
plafond murs comptoir au moins cent
on
avait dit le temps du métro passage sous la ville à demi-mot et de préciser
vingt minutes à peine qui en mettra le double avant de perdre haleine
avenue de la reine on se retrouvera en haut
au
café une femme était assise qui parlait fort au téléphone comme pour que la
salle entière on était deux entende ce que personne autour d'elle ne voulait
comprendre peut-être même parlait-elle seule comme ces gens que tu connais et
croises dans la rue qui pour t'éviter font semblant de prendre un appel détournant
la tête le regard le pas fuyant celui qu'ils voient en toi et la radio comme
les néons standards des années quatre-vingt à passer comme si n'importe où on
était musique de fond
on
avait dit qu'on s'attendrait devant le pavillon
on avait en sortant de l'avion la veille
compris que nos regards nous feraient nous retourner à chaque pas sur les mêmes
choses de la ville dégainant comme en parallèle nos appareils à clichés
découvrant l'autre pareillement prêt et de s'interrompre alors pour le laisser
photographier
vues lointaines contre détails à portée
de main tout y passait la ville impressionnée sur nos disques durs qu'une chronologie
reconstituée aujourd'hui permettra de reconstruire point par point (on y
travaille)
seuls séparés l'un de l'autre par la
nuit on avait continué à photographier la ville accumulant une matière qui résonnait encore même isolée comme si rien ne
pouvait altérer ce regard commun cet inventaire de tout et de nous ni la
distance ni le temps qui nous avaient éloignés
on avait décidé de se retrouver au
pavillon allemand exposition universelle de 1929 construit par mies van der rohe
puis détruit puis reconstruit au milieu des années 80 comme si le passé avait
plus de valeur que l'histoire (on aurait tant à reconstruire alors) et la terre
devant désormais se recouvrir des merveilles disparues transformant l'époque
contemporaine en un gigantesque parc d'attractions
n'est-ce pas la voie que nous suivons ?
on avait parlé déjà du bruit
roulettes de valises sur tapis pastilles
qu'il avait enregistré comme on garde la trace d'un mouvement et du temps clac clac
clac régulier que personne n'entend après une heure d'avion carlingue de
plastique oreilles assourdies sauf lui
et les trottoirs dans la ville de
reproduire ce bruit sous tout ce qui roulait ou râpait s'accrochait
frappait bruit régulier si l'avancée aussi et cet homme d'en rajouter cognant
le flanc des bouteilles d'un bâton pour appeler lors de son passage qui aurait
besoin de gaz
les roues sur le quadrillage du trottoir
on l'entendait venir de loin montant en puissance comme l'un de l'autre on
s'approchait s'arrêtant simultanément lui tapant insistant encore au coin d'une
rue profitant que le son en cet endroit se répande dans quatre directions
différentes et de le photographier tache orange au centre du carré
revenait en mémoire le piaggio tricycle du marchand de glaces
de l'enfance qui se serait ici fondu dans le sable des murs et le
retentissement de la cloche lorsqu'à trois heures de l'après-midi journée
chaude d'été il entrait dans la cour du 35 boulevard kennedy
revenait aussi ce que des années plus
tard on entendait encore à paris vitrier vitrier vitrier mains aux bretelles
plaques de verre derrière soi sac à dos merveilleux qui reflétait l'exact monde
qu'on ne voyait pas sur fond de bleu
on croyait la ville immense qui n'était
que quelques heures marche en tête à serpenter en ses rues évitant son tourisme
se perdant un peu mais assez jamais
on croyait le plan parfaitement tramé
tissé quadrillé qui se révélait au travers de diagonales et de rues sinueuses
comme des courbes de niveaux dès qu'aux montagnes la ville venait taper brisant
ses lames ondes de chocs que de loin on devinait
on croyait la ville unique et entière
que les hauteurs nous révélaient nappe tapis étal ponctuée comme piquée de
cents pointes tours clochers faisant d'elle une peau hérissée frayeur de quoi
la ville avait-elle peur pour ainsi se défendre tel un rosier
on croyait la ville finie qui au plus
loin tendait ses bras tentacules les oubliant même ne ramenant les choses à
elles que par les lentes et souterraines vibrations des tubes d'acier
on croyait la ville belle de pierre de
fleurs de terre cuite qui était devenue décor
playlist
(au miroir reste la tâche d'inverser
haut et bas)
en perdant la symétrie l'architecture moderne gagna le
reflet et des choses prit le parti
on s'était retrouvés là sur le travertin couché sol veiné
sous-face immaculée blanc pur sans reflet que de minces parois caressaient
frôlement de peaux effleurées
on s'était retrouvés là et se perdait déjà château de
cartes que le hasard de nos pas ne pouvait mettre à terre l'un devant l'autre
derrière paroi de verre blanche lumière effroi
on glissait sur le sol évitant les lames de marbres
fendant l'espace comme la scie le bois progression lente et puissante mets-toi
de côté rien ne les arrêtera
chaque limite était claire
sol toit
reflets verre
miroirs mille fois
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